L'ISR, qu'est-ce que c'est, à quoi ça sert ?

Publié le 24/01/2009 - Philippe Maupas
Investissement Socialement Responsable (ISR), mode d'emploi

La sévère crise financière que nous connaissons depuis juillet 2007 a mis sur le devant de la scène un certain nombre de comportements que le commun des mortels a du mal à accepter : bonus obscènes de quelques acteurs de la sphère financière, fraude Madoff (voir notre article ici), fraude Satyam en Inde (voir notre article ici). Comme lors de chaque période de krach boursier, de nombreuses voix s'élèvent pour réclamer plus d'éthique dans le monde des affaires. Voire dans l'univers des placements financiers.

Les deux sphères de l'investissement et de l'éthique semblent en effet très éloignées. Il existe cependant des investissements qui cherchent à les rapprocher : c'est le credo de l'ISR, Investissement Socialement Responsable, dont le message est plus audible depuis le début de la crise financière.

Qu'est-ce que l'ISR ?

Il s'agit précisément d'une approche de l'investissement cherchant à (ré)concilier la responsabilité sociale avec la recherche de la rentabilité financière.

D'ordinaire, un gérant de fonds cherche à valoriser l'argent qui lui est confié par les investisseurs en l'investissant en valeurs dont il pense qu'elles sont amenées à s'apprécier : actions, obligations, titres du marché monétaire. Le gérant procède à une analyse approfondie des titres de son univers et investit dans ceux qui lui semblent décotés (actions) ou présentant une sécurité suffisante pour être remboursés à échéance (obligations ou titres du marché monétaire).

L'approche ISR consiste à établir un filtre au sein des valeurs de l'univers d'investissement pour ne retenir que les seules valeurs répondant à certains critères d'éligibilité. Ces critères ne sont pas seulement sociaux (le S de ISR), mais englobent également les dimensions de l'environnement et de la gouvernance. On parle alors de prisme ESG (Environnement, Social, Gouvernance).

Le E (environnment) s'intéresse à l'impact de l'activité de la société, de l'entité ou de la collectivité, sur l'environnement. Le raisonnement est qu'une entité ayant un impact nuisible sur l'environnement paiera cet impact par un cours moins élevé (actions) ou un risque accru (obligations ou produits monétaires).

Le S (Social) s'intéresse aux relations de l'entité avec son environnement, qu'il s'agisse des employés ou des personnes affectées par les activités de cette entité. Le raisonnement est qu'une société traitant mal ses employés et/ou influant négativement sur la vie des personnes de son environnement (les personnes vivant à proximité d'une usines par exemple, ou les sous-traitants) sera pénalisée (cours de bourse diminué ou conditions de financement moins favorable et risque de défaut plus élevé).

Le G (Gouvernance) s'intéresse au mode de gouvernance de la société ou de l'entité : indépendance des administrateurs pour les sociétés, respect du droit des actionnaires minoritaires, respect du droit des administrés dans le cas d'une collectivité. Le raisonnement est qu'une entité ayant un fonctionnement démocratique, ayant mis en place des procédures de contrôle interne et/ou externe sera mieux valorisée (dans le cas d'une société cotée) ou obtiendra de meilleures conditions de financement et présentera un risque moindre (dans le cas d'un émetteur obligataire).

Il n'existe pas de grille d'analyse standard. Une société correctement notée par un organisme pourra être noté moins bien par un autre organisme. Cette absence de normes est sans doute un obstacle pour la lisibilité de l'ISR, mais elle fait aussi la richesse des différentes approches.

Qu'est-ce qu'un investissement ISR ?

Un investissement ISR va prendre en compte la dimension ESG, selon une grille d'analyse propre à chacun des acteurs de ce marché, pour restreindre l'univers des titres analysés selon une approche strictement financière aux titres répondant aux critères de la grille d'analyse.

Par exemple, dans le cas de fonds actions, ne seront éligibles à une analyse financière que les valeurs cotées ayant mis en place un programme de réduction de l'impact de leurs activités sur l'environnement (le E de ESG), respectueuses des droits de leurs salariés, de leurs sous-traitants et des communautés affectées par leurs activités (le S de ESG), et disposant de structures de gouvernance (conseil d'administration par exemple) suffisamment autonomes pour faire contrepoids au management (le G de ESG).

Qui met en place la grille d'analyse ? Soit des sociétés spécialisées dans l'analyse ESG (comme Vigeo ou BMJ Ratings en France), soit les sociétés de gestion elles-mêmes, qui développent une expertise interne en matière d'analyse ESG (on parle également d'analyse extra-financière).

Comment trouver les fonds ISR ?

Quantalys essaie d'identifier les fonds ISR au sein des fonds de sa base de données. Notre critère est le suivant : est considéré comme ISR un fonds utilisant une grille d'analyse extra-financière dans son processus d'investissement, soit en ayant recours aux services d'une société spécialisée, soit en utilisant une équipe interne dédiée à cette activité. Le recours à une grille d'analyse extra-financière doit être mentionné dans le prospectus du fonds, ou doit être justifié par la société de gestion sur demande de Quantalys.

Comment les trouver ? En utilisant notre moteur de recherche avancée, accessible ici. Dans la partie "Caractéristiques générales et frais", il suffit de cocher la case à droite d'ISR pour restreindre la recherche aux fonds identifiés par Quantalys comme étant ISR. Nous recensons actuellement environ 300 fonds ISR, la liste étant visible ici.

L'ISR est-il performant ?

Jusqu'à maintenant, aucune étude académique n'a pu établir de façon convaincante que l'approche ISR est meilleure ou moins bonne que l'approche conventionnelle (analyse financière seule). Intuitivement, on pourrait penser que la réduction de l'univers d'investissement aux valeurs respectant certains critères ESG pourrait également réduire l'espérance de gain, mais il est également possible, voire probable, que le respect de certains critères améliore la valorisation boursière des sociétés cotées, ou le profil de risque d'émetteurs de dette.

Nous donnerons dorénavant régulièrement la parole aux acteurs de l'ISR en France sur Quantalys : la crise aiguë que traverse le capitalisme financier depuis l'été 2007 nous semble en effet légitimer l'approche ISR. Il reste à prouver que cette approche n'est pas significativement moins performante que l'approche financière seule.

L'offre ISR existe, elle est de qualité et le nombre de fonds ISR croît régulièrement. Le défi pour les sociétés de gestion proposant des fonds ISR est de les rendre accessibles au plus grand nombre. On trouve par exemple fort peu de fonds ISR dans les contrats d'assurance vie, qu'il s'agisse des contrats associatifs massivement diffusés (celui de l'AFER par exemple) ou des contrats distribués sur internet.

Quelques exceptions : le contrat ISR Vie, promu par J'Epargne Utile, qui référence en grande majorité des fonds ISR au sens de Quantalys, ou le contrat Solid'R Vie promu par FAPES Diffusion, dont 50% des fonds référencés sont ISR au sens de Quantalys, et qui permet en outre de reverser une partie des rachats faits par l'assuré sur son contrat à une ou plusieurs ONG partenaires de Solid'R Vie.

Philippe Maupas , CFA, CAIA, CIPM, est co-fondateur de Quantalys et éditorialiste.