Les SCPI internationales à la conquête du monde. Partie II

Publié le 06/05/2020 - Morgane Berthelot
Les SCPI s’ouvrent de plus en plus vers l’étranger. Selon les chiffres publiés par l’IEIF, cette tendance s’est poursuivie en 2019 avec 260 milliards d’euros d’investissements réalisés sur le marché tertiaire en Europe.

Cette stratégie d’ouverture est-elle à la hauteur des espoirs des investisseurs ? Quelles catégories offrent de meilleures performances ?

 

Comme nous l’avons vu dans la partie I de cet article, la diversification géographique est depuis 2017 l’une des tendances principales de l’évolution des SCPI. La question est de savoir si elle permet de parvenir à une meilleure performance comme l’affirment de nombreuses sources Internet. Est-ce qu’en choisissant ces SCPI on parvient automatiquement à un meilleur résultat ?

Pour répondre à cette question, nous comparons les taux de distribution sur la valeur de marché (TDVM) et la variation du prix moyen acquéreur (VPM) des SCPI investies à l’international avec au moins 5% de valeur vénale étrangère en 2018 avec les performances des SCPI purement françaises. Pour faciliter la lecture, les SCPI investissant au moins 5% de leur valeur vénale à l’étranger seront appelées « internationales ». Les SCPI investies uniquement en France et détenant moins de 5% de valeur vénale étrangère seront appelées « françaises ».  Cette différenciation est purement géographique.

Notre étude se concentrera sur les SCPI à capital variable. En effet, le mécanisme de fixation de prix de la part diffère pour les SCPI à capital fixe et à capital variable. Il est plus raisonnable de faire une étude par type de capital et par catégorie. Or, en regardant de plus près, on se rend compte qu’il n’y a que 3 SCPI à capital fixe toute catégories confondues investies à l’international. Leur nombre est insuffisant pour une étude. Pour la même raison, l’année 2014 sera exclue de la comparaison. En effet, en 2014 il n’y avait que 9 SCPI investies à l’étranger, dont 2 détenaient moins de 5% de valeur vénale en dehors de la France.

Compte tenu de la dispersion forte des VPM, notre étude sera appuyée sur les médianes.
 

  1. Comparaison de la performance des SCPI internationales et des SCPI françaises par catégorie

Dans cette première partie, nous comparerons l’évolution entre 2015 et 2019 des valeurs médianes des SCPI à capital variable en fonction de leur investissement à l’étranger et de leur catégorie : bureaux, commerces, diversifiées et spécialisées. Compte tenu de leur faible nombre, les SCPI résidentielles ont été intégrées dans la catégorie des SCPI spécialisées.

 

  1. SCPI de bureaux

Bien que le TDVM des SCPI toute géographie confondue ait connu une baisse considérable depuis 2015, le TDVM des SCPI de bureaux internationales était aussi élevé, voire meilleur que celui des SCPI comparables françaises. En 2019, 50% des SCPI internationales ont servi un TDVM supérieur à 4,25%, tandis que cette valeur était de 4,07% pour les SCPI françaises. Ce résultat est assombri par une VPM médiane faible sur la période jusqu’en 2018 : seules les SCPI françaises affichent une VPM médiane positive. A partir de 2018, cette tendance s’inverse. La VPM médiane des SCPI françaises passe à 0 en 2019, tandis qu’elle monte à 0,85% sur la même année pour les SCPI internationales. Au total, si on compare les valeurs médianes du cumul des distributions avec les revalorisations du prix d’acquisition, jusqu’en 2018 on obtient un résultat beaucoup plus flatteur pour les SCPI qui ont décidé de limiter leurs investissements au sol français que pour les SCPI ayant opté pour une diversification géographique au niveau européen. Cette tendance s’estompe en 2018 et en 2019 grâce à l’amélioration de la VPM des SCPI internationales et à la dégradation des valeurs des SCPI purement françaises.

On remarque que les SCPI qui ont affiché la meilleure performance parmi les SCPI investissant à l’international n’ont pas une proportion importante de valeur vénale étrangère. Les 2 meilleurs résultats de 2019 dans ce groupe sont réalisés par Placement Pierre (Foncia Pierre Gestion) avec une performance de 7,21% et Rivoli Avenir Patrimoine (Amundi immobilier) avec 5,78%. Les deux SCPI détiennent chacune moins de 15% de valeur vénale étrangère. En même temps, les SCPI les plus investies à l’étranger n’affichent pas systématiquement une performance supérieure à la médiane du groupe. On peut supposer qu’il existe une proportion critique à partir de laquelle l’investissement à l’international devient moins facilement contrôlable.

Du côté des SCPI de bureaux françaises, la meilleure performance est affichée par PF Grand Paris (Perial AM). Cette SCPI offre 9,6% en 2019.
 

  1. SCPI de commerces



Les SCPI de commerces internationales ont connu une période propice jusqu’en 2018, essentiellement grâce à la revalorisation du prix des parts. En 2018, leur revalorisation médiane a chuté considérablement pour finir à 0 en 2019, tandis que 50% des SCPI de commerces françaises ont réussi à remonter leur VPM médiane à 1,45% courant 2018. Cette valeur a cependant baissé en 2019.  Sur toute la période étudiée, les SCPI de commerces internationales ont tendance à servir un TDVM en dessous de celui des SCPI françaises. La différence se creuse encore davantage courant 2019. On constate que la performance globale des SCPI de commerces internationales a tendance à baisser, tandis que leurs homologues françaises voient leur performance monter. Encore une fois, si on regarde plus en détail, en 2019, la SCPI la mieux placée dans le groupe des SCPI internationales est Patrimmo Commerce (Primonial REIM) avec une performance de 4,61% et 21% de valeur vénale étrangère. Novapierre Allemagne (Paref Gestion) avec 100% de valeur vénale investie en Allemagne affiche une performance de 4,45 % (TDVM et VPM compris). On remarque aussi un nombre beaucoup plus faible de SCPI de commerces internationales, comparé aux SCPI de bureaux : seulement 4 SCPI de commerces contre 13 SCPI de bureaux. L’internationalisation réussie nettement moins pour cette catégorie.
Du côté français, la meilleure performance 2019 est servie par Sofipierre (Sofidy) : 8,8 %.

 

  1. SCPI diversifiées



Les SCPI diversifiées internationales sont les seules à battre durablement la performance de leurs homologues françaises. Bien que leur TDVM soit parfois inférieur, elles ont tendance à nettement mieux revaloriser les parts. On remarque que 50% des SCPI diversifiées à capital variable françaises ont une VPM égale ou inférieure à 0 sur la période entre 2015 et 2019. En 2019, au sein des SCPI internationales, Corum Origin (Corum) affiche la meilleure performance. La performance de cette SCPI s’élève à 7,48 % avec 92% de valeur vénale étrangère répartie sur 13 pays. La deuxième place est occupée par Corum XL avec une performance à 6,9% et 100% de valeur vénale étrangère.

Parmi les SCPI diversifiées françaises, en 2019, la première place est occupée par Pierrevenus (Foncia Pierre Gestion) avec ses 8,83 %.
 

  1. SCPI spécialisées

On constate que les SCPI spécialisées investies à l’international ont tendance à avoir un TDVM médian inférieur à celui des SCPI intégralement investies en France. Cet écart se renforce en 2018. On remarque aussi que les SCPI de cette catégorie ont tendance à faire peu de revalorisation de prix. Dans le groupe de SCPI spécialisées investissant à l’international, en 2019, la première place revient à Foncia Cap’hebergimo (Foncia Pierre Gestion) avec sa performance à 5,86% et 8% de valeur vénale étrangère. Le deuxième meilleur résultat est affiché par Pierval Santé (Euryale Asset Management), à savoir 5,05% avec 57,7% da valeur vénale étrangère répartie principalement entre l’Allemagne et l’Irlande.

Pour comparer, Kyaneos Pierre (Kyaneos AM), une SCPI résidentielle lancée en 2018, affiche une performance de 6,81 % en 2019 avec 0% de valeur vénale étrangère.
 

  1. En résumé… une vue d’ensemble

 



On obtient le graphique ci-dessus en calculant la performance médiane des SCPI selon leur catégorie et leur présence à l’étranger. On constate que globalement les performances des SCPI sont distribuées sur une bande de 3% entre 4,5% et 7,5%.

Il n’existe pas de catégorie et de répartition géographique qui permettrait de garantir en permanence une meilleure performance. La performance exceptionnelle des SCPI spécialisées purement françaises en 2018 s’explique par une revalorisation importante des parts de Logipierre 3 (Fiducial Gérance) et par le faible nombre de SCPI de ce type en 2018. On remarque aussi une montée importante des SCPI de commerces à valeur vénale française. Leur performance médiane a commencé à monter en 2018 pour finir en première place en 2019. Cette montée est devenue possible en grande partie grâce à une revalorisation plus importante des parts de Sofipierre (Sofidy) et de Cristal Rente (Inter Gestion).

On remarque toutefois que les SCPI internationales ont tendance à avoir une performance inférieure à celle des SCPI visant une stratégie française… sauf pour les SCPI diversifiées. Elles vacillent systématiquement entre la deuxième et la troisième place du comparatif et continuent à offrir une bonne performance médiane dans le temps. Pourquoi alors investir en SCPI internationales ? Ces SCPI permettent de bénéficier d’une diversification géographique du portefeuille immobilier ; et donc elles offrent un avantage fiscal non négligeable. En effet, la plupart des revenus sont imposés dans les pays d’origine des loyers. L’imposition des revenus fonciers dans ces pays est souvent plus avantageuse que l’imposition française. Ces loyers ne sont pas soumis aux prélèvements sociaux français non plus. Cet avantage peut être un peu moindre si l’on considère que sous le régime réel d’imposition, la CSG est déductible à hauteur de 6,8% du revenu global imposable, l'année de son paiement.

Il faudra donc garder en tête l’avantage fiscal lors de l’étude des rendements. Mais l’avantage fiscal est difficilement généralisable. Il dépend de la structure du foyer fiscal et de ses revenus, ainsi que de la proportion des revenus encaissés à l’étranger et de la typologie fiscale des pays investis par la SCPI. La fiscalité des SCPI internationales fera objet de notre prochain article.
 

Conclusion. Les perspectives…

L’année 2020 s’annonce difficile pour toutes les SCPI. Avec la crise sanitaire, il est encore trop tôt pour faire des prévisions. On peut cependant cibler quelques tendances.

Même si les sociétés de gestion parviendront à assurer la continuité de leurs activités et à repousser la date des transactions, le confinement aura un impact sur la valeur vénale des immeubles si les prix immobiliers baissent. Le confinement impactera aussi les loyers en provoquant dans certains cas des retards de paiement. Dans son point de conjoncture du 9 avril 2020, l’INSEE estime que la perte d’activité liée au confinement s’élève à 36% en moyenne. Le 17 avril les organisations de bailleurs ont demandé l’annulation des trois mois de loyers des très petites entreprises (TPE) ayant interrompu leurs activités au début du confinement.  Dans un communiqué daté du 21 avril, l’Aspim, l’Association française des sociétés de placement immobilier, soutient cette initiative. Seules les charges resteront dues puisqu’elles correspondent à des coûts réels encourus par les propriétaires même en période de fermeture des commerces. L’Aspim appelle ses adhérents « à prendre dès maintenant des mesures automatiques pour soutenir la trésorerie des plus petits locataires, très fortement fragilisés par la crise économique ». 

Parmi les secteurs cités comme les plus fragiles figurent l’hôtellerie, la restauration, les commerces, les transports et l’entreposage. Certaines SCPI de commerces et certaines SCPI spécialisées risquent d’être davantage touchées par la crise.

On peut aussi s’attendre à ce que les SCPI investissant dans les pays ayant mieux géré les conséquences économiques de l’épidémie que la France, afficheront de meilleurs résultats.  En fonction de l’évolution de l’épidémie, la performance relative des SCPI internationales pourra s’améliorer par rapport à leurs homologues françaises.

Un autre facteur important est le nombre de locataires, leur diversité et la qualité de leur relation avec la société de gestion.  Les SCPI diversifiées pourront améliorer leur position vis-à-vis des autres catégories.

Enfin, la crise du Covid-19 a toutes les chances d’engendrer une vague de relocalisations. Les sociétés françaises pourraient tirer leur épingle du jeu. Dans l’article « La crise sanitaire renforce la volonté de relocalisation » publié le 7 avril, le journal les Echos nous informe que « partout en France, pouvoirs publics et entreprises creusent la piste de la relocalisation pour sortir de la crise qui paralyse bon nombre de secteurs industriels ».  A moyen terme, le marché de l’immobilier tertiaire français offrira certainement de nouvelles opportunités de développement pour les SCPI.


Les données utilisées dans le cadre de cette recherche proviennent principalement de la base de données Quantalys, des rapports annuels et des bulletins trimestriels des SCPI étudiées. Les performances 2019 proviennent partiellement de pierrepapier.fr.

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Morgane Berthelot Analyste Data.