Très chers frais

Publié le 30/04/2009 - Philippe Maupas
Rappel des différents frais venant grever la performance de vos investissements

On investit pour faire fructifier son argent, il arrive que l'on gagne de l'argent, il arrive aussi que l'on en perde, mais on s'intéresse rarement à ce qu'il en coûte d'investir, notamment en fonds. Certains frais sont en effet indolores mais viennent en déduction de la performance réalisée par le placement. D'autres sont visibles.

Les frais liés à l'achat et à la vente

Premier type de frais, ceux liés à la souscription et au rachat, donc aux flux d'argent dans et hors du fonds : les prospectus des fonds mentionnent les frais de souscription maximum, généralement exprimés en pourcentage du montant investi. Si votre intermédiaire perçoit 2% de frais sur un investissement de 1000 euros dans un fonds, vous investirez effectivement 980 euros (soit 1000 euros - 20 euros de frais correspondant à 2% de 1000).

Sur le même modèle, certains fonds imposent des frais de rachat, prélevés quand vous revendez vos actions ou vos parts.

Ces frais peuvent être en totalité ou en partie acquis au fonds, auquel cas les porteurs de parts en bénéficient puisque les frais sont réinjectés dans l'actif du fonds et la valeur liquidative en tient compte. Dans la quasi totalité des cas, ils ne sont pas acquis au fonds et servent à rémunérer l'intermédiaire. Cette information est disponible dans la partie statutaire des prospectus des fonds de droit français.

Les frais liés à la gestion

Deuxième type de frais, sur les stocks : les frais de gestion, qui servent à rémunérer la société de gestion. Leur montant maximum, exprimé en pourcentage de l'actif du fonds, est mentionné dans le prospectus. Leur niveau varie en fonction de la classe d'actifs, de la sophistication de la gestion. Une gestion monétaire bon marché coûtera 0,10% de l'actif du fonds, une gestion actions chère coûtera jusqu'à 2,50% de l'actif du fonds.

En plus de ces frais de gestion fixes, la société de gestion peut prélever une commission de surperformance, dont le versement est conditionné au dépassement d'un objectif précisé dans le prospectus : par exemple, quand la performance annuelle net des frais de gestion fixes du fonds dépasse celle d'un indicateur de référence (qui peut être un indice ou un taux fixe), un pourcentage du montant du dépassement revient à la société de gestion (et vient donc en déduction de la performance réelle du fonds).

Attention au choix de l'indice pour la commission de surperformance

Quand l'indicateur de référence est un indice, il importe de s'assurer que cet indice est calculé en "total return", c'est-à-dire dividendes ou coupons réinvestis. Si l'on considère que l'on a le choix entre une approche active en utilisant les services d'un gérant cherchant à battre son indice de référence, et une approche passive, c'est-à-dire un indice, ce dernier est composé de valeurs distribuant des dividendes (dans le cas d'actions) ou des coupons (dans le cas d'obligations) et il faut tenir compte de ces distributions dans le calcul de la performance. C'est essentiel dans le cas des obligations et tout autant dans le cas des actions, le poids des dividendes dans la performance totale des actions allant jusqu'à 30% de celle-ci.

Il est donc intellectuellement malhonnête de la part de gérants actifs de se comparer à un indice hors dividendes ou coupons, et plus encore de baser une commission de surperformance sur un tel indice. Des produits indiciels intégrant les dividendes ou les coupons sont en effet disponibles sur le marché, comme les ETF ou Trackers (fonds indiciels cotés en bourse).

Le prospectus des fonds de droit français mentionne dans sa partie statutaire le niveau maximum des frais de gestion fixes, et, dans le cas où une commission de surperformance existe, son mécanisme.

Beaucoup plus instructive est la lecture de la partie B, comportant les données réelles de performance et de frais mises à jour sur une base annuelle. On y trouvera les frais de gestion effectivement payés par le fonds à la société de gestion au cours du dernier exercice clôturé. En théorie, les frais de gestion fixes réels doivent être inférieurs au maximum autorisé.

Attention aux fonds de fonds

Dans le cas d'OPCVM d'OPCVM, c'est-à-dire de fonds investissant dans d'autres fonds, des frais liés à l'investissement dans les OPCVM dits sous-jacents s'appliquent : ces OPCVM sous-jacents ont en effet leurs propres frais de souscription et de rachat (qui sont dans la pratique rarement facturés à un fonds, mais qui peuvent l'être) et leurs propres frais de gestion.

On trouvera dans la partie statutaire (la première) du prospectus des fonds de droit français le montant maximum de frais indirects (souscription, rachat et gestion) que le fonds s'engage à ne pas dépasser quand il investit dans d'autres OPCVM. Et l'on trouvera dans la partie statistique les frais effectifs nets, qui s'ajoutent aux frais fixes de fonctionnement et de gestion du fonds et viennent en déduction de la performance.

Dans le cas d'OPCVM de fonds alternatifs, l'addition peut être très salée, puisque le fonds prévoit une commission de surperformance, de même que les fonds dans lesquels il investit. Une analyse de l'historique des frais réels s'impose avant d'investir, pour valider que le gérant est capable de justifier les 2 niveaux de frais de gestion de son fonds.

Le cas des fonds maîtres/nourriciers

Un fonds nourricier est investi en totalité, hors liquidités et opérations de couverture, dans un autre fonds, que l'on appelle son fonds maître. Il a ses propres frais de gestion et est soumis à ceux du fonds maître. Par convention, Quantalys vous fournit la somme de ces deux valeurs (qui sont, rappelons-le, des maxima), car elle représente les frais de gestion maximum réels du fonds nourricier.

Le fonds nourricier peut se contenter de suivre la performance du fonds maître (aux liquidités près) ou bien peut effectuer une opération de couverture de change par exemple, ou de couverture du risque de marché selon les anticipations du gérant (c'est le cas de Tricolore Rendement Flexible, récemment lancé par Edmond de Rothschild Asset Management) qui est investi dans la part I de Tricolore Rendement et a pour objectif de gestion de "limiter le risque actions en mettant en place des stratégies de couverture par le biais d'interventions sur les marchés à terme".

Dans ce dernier cas, les frais de gestion maxi de Tricolore Rendement Flexible sont de 1,15%, ceux de Tricolore Rendement I de 1%, vous retrouverez donc dans la fiche fonds Quantalys des frais de gestion maxi de 2,15%.

Les commissions de mouvement

Autre poste à surveiller de très près, celui des commissions de mouvement. Ces dernières sont facturées à l'OPCVM à chaque opération sur le portefeuille. Pour les fonds de droit français, l'existence ou non de commissions de mouvement et la clé de répartition de celles-ci entre la société de gestion et le dépositaire doivent être mentionnées dans la partie statutaire du prospectus.

On trouvera en outre dans la partie statistique le montant réel facturé au fonds lors du dernier exercice écoulé. Ce montant peut être, dans de rares cas, très élevé, et il convient de le surveiller de très près. A notre sens, ces commissions ne devraient pas exister, et si elles existent, ne devraient pas dépasser 0,40% et la part revenant à la société doit être minoritaire.

Bien entendu, plus le gérant est actif et effectue de transactions et plus les commissions de mouvement sont élevées.

Le total des frais prélevés sur vos encours en fonds est donc : frais de gestion fixes + frais de gestion variables + coûts nets liés à l’achat d’OPCVM et fonds d’investissement + commissions de mouvement.

Ce montant total est le coût de votre investissement, hors frais de transaction et de rachat et hors frais annexes éventuels, comme les droits de garde par exemple. Si ce coût est de 2,5% par exemple, le gérant devra réaliser une performance brute de frais de 2,5% pour que vous ne perdiez pas d'argent. Alors que les rendements monétaires et obligataires sont en chute libre et que les marchés actions sont dans la tourmente depuis bientôt 2 ans, l'impact de ces frais devient non négligeable.

Gestion active ou passive ?

La raison d'être du gérant actif est de battre une approche passive. Pour cela, il doit être rémunéré. Encore faut-il que cette rémunération soit en phase avec le service rendu.

La disponibilité des produits indiciels comme les ETF et leur très faible niveau de frais de gestion en font des produits séduisants pour l'investisseur ne croyant pas à la capacité d'un gérant de surperformer durablement les indices ou dans sa propre capacité à identifier de tels gérants.

Quelques ordres de grandeur pour les frais de gestion dans le cas d'une approche active : pour les fonds monétaires, alors que l'EONIA rapporte environ 0,5% par an, des frais de gestion réels supérieurs à 0,35% semblent excessifs aujourd'hui ; pour les fonds obligataires, des frais de gestion réels supérieurs à 1% (hors convertibles, haut rendement ou obligations émergentes, qui peuvent justifier des ressources importantes en recherche par rapport aux obligations d'Etat de pays développés ou d'entreprises de qualité d'investissement) nous semblent également excessifs ; quant aux fonds actions, des frais de gestion fixes supérieurs à 2% nous semblent de plus en plus difficiles à justifier, sauf en cas de surperformance durable par rapport à un indice représentatif du style de gestion du gérant.

Le principe d'une commission de surperformance nous semble sain, avec une réserve importante : que l'indice de référence soit impérativement calculé dividendes ou coupons réinvestis. Quand l'OPCVM prévoit une commission de surperformance, ses frais de gestion fixes doivent être plus bas qu'un fonds comparable n'ayant pas de commission de surperformance. Ainsi, un fonds actions avec des frais de gestion maxi supérieurs à 2% et une commission de surperformance nous semble chercher à obtenir le beurre et l'argent du beurre. L'idéal serait en outre que la commission ne soit due que quand le fonds obtient une performance à la fois positive et supérieure à celle de son indice de référence.

Le prospectus des fonds de droit français contient une quantité importante d'informations sur les frais réels facturés au fonds, donc aux investisseurs, dès que son premier exercice à été clôturé : si sa lecture est parfois aride, elle est indispensable. Vous retrouverez les prospectus sur le site de l'AMF ou sur celui des sociétés de gestion.

Le moteur de recherche avancée Quantalys vous permet d'effectuer des recherche en fonction des frais de gestion : vous spécifiez la valeur et accédez aux fonds dont les frais de gestion maxi du prospectus sont inférieurs (ou supérieurs) à cette valeur (dans la partie "Caractéristiques générales et frais" du moteur de recherche).

Philippe Maupas , CFA, CAIA, CIPM, est co-fondateur de Quantalys et éditorialiste.