Alpha, Beta, petit guide des lettres grecques

Publié le 30/06/2009 - Philippe Maupas
Le beta, c'est le marché et ce n'est pas cher, l'alpha, c'est le gérant et ça se paye

Le milieu financier est friand de jargon et l'on entend depuis quelque années beaucoup parler grec en gestion d'actifs, notamment d'alpha et de beta. Si la plupart d'entre nous, qu'ils aient fait du grec ou non, se souviennent qu'il s'agit des 2 premières lettres de l'alphabet, nous ne savons pas toujours précisément ce qui se cache derrière ces 2 lettres en matière financière.

Dans le cadre de cet article, nous laisserons le delta et le gamma aux férus d'obligations convertibles et de produits optionnels et le sigma aux amateurs de risque pour nous concentrer sur les seuls alpha et beta.

Ces notions ont été introduites dans la littérature financière par les promoteurs du CAPM (Capital Asset Pricing Model) ou MEDAF en français (Modèle d'Evaluation des Actifs Financiers), dont les travaux conduits dans les années 1960 ont montré que les rendements d'un actif financier se composaient de 2 parties : l'une attribuable au marché, l'autre non attribuable au marché.

Le Beta, c'est le marché

Tout marché a par convention un beta de 1.

Pour tout marché risqué (les actions européennes par exemple), le rendement se décompose en un rendement sans risque (par exemple l'EONIA) et une prime de risque, dont on attend généralement qu'elle soit positive quand on s'expose passivement au marché via un indice comme le DJ Stoxx ou le MSCI Europe. La prime de risque est égale à la différence entre le rendement attendu du marché et le taux sans risque : si l'EONIA, représentant le taux de l'argent au jour le jour et symbolisant le rendement sans risque, est de 1% en annualisé et que l'on attend une performance annuelle de 6% des actions Europe, la prime de risque est de 6-1=5%.

La compétence requise d'un gérant pour s'exposer passivement à un marché est limitée. Il suffit pour cela d'investir dans un instrument financier répliquant la performance d'un indice.

Très schématiquement, on pourra dire que le beta d'un actif financier, c'est la portion du rendement du marché captée par cet actif financier : s'il capte exactement le rendement du marché (ce qui est le cas d'un produit indiciel par exemple, aux frais près), son beta est de 1 (identique à celui du marché), s'il capte plus, son beta est supérieur à 1 et s'il capte moins, son beta est inférieur à 1.

L'Alpha, c'est ce qu'apporte ou retire le gérant au marché

Le rendement en plus ou en moins du taux sans risque et de la prime de risque du marché est donc l'alpha. On l'appelle également rendement actif, car il nécessite de dévier par rapport au marché et donc d'avoir une gestion ... active.

Le rendement total d'un actif financier se décompose donc en un rendement sans risque (celui réalisé en s'exposant à un produit sans risque, comme le monétaire au jour le jour), une prime de risque (appelée également rendement systématique), due à l'exposition au marché, donc au beta, et un rendement actif dû à l'action du gérant, par exemple à ses choix de valeurs, à ses sur- ou sous-pondérations ou aux choix de valeurs hors indice, donc à l'alpha.

Cet alpha peut être positif comme négatif. La somme totale de l'alpha disponible sur un marché est nulle, les gains de l'un étant les pertes de l'autre.

Le beta, ce n'est pas cher

La gestion a un coût pour l'investisseur. Simplifions en ne considérant que les frais de gestion. Aujourd'hui, s'exposer à un marché via un produit répliquant un indice est à la fois aisé et peu onéreux (pour les grands marchés internationaux au moins). Un investisseur peut acheter un ETF dont les frais de gestion vont de 0.15% à 0.65% pour les principaux indices des pays dits développés. Il peut également acheter des futures sur ces mêmes indices.

Le beta est donc devenu une commodité et le prix pour y accéder doit être le plus bas possible.

L'alpha se paye, à condition qu'il soit positif et régulier

L'alpha en revanche est une denrée rare et précieuse. Tous les gérants n'ont pas la capacité de battre leur indice de référence. La mesure de cet alpha présente en outre de multiples difficultés, la principale étant le choix de l'indice de référence auquel on compare le fonds : faut-il utiliser l'indice de référence indiqué dans le prospectus du fonds, un indice affecté par défaut à la catégorie dans laquelle on a placé le fonds, un indice recalculé représentatif du portefeuille "moyen" du fonds ?

Dans nos fiches fonds, nous utilisons une mesure simple de l'alpha : il s'agit, sur la période de calcul indiquée, de la différence entre la performance du fonds et celle de l'indice de référence de sa catégorie (mentionné en bas de page dans l'onglet Performance de la fiche fonds).

Une surperformance régulière et durable d'un gérant par rapport à son indice de référence mérite bien entendu rémunération : dans le cas où le fonds n'a pas de commission de surperformance, il est légitime que les frais de gestion fixes soient d'un niveau élevé (beaucoup plus en tout cas que celui des fonds gérés passivement) ; le cas le plus équitable pour l'investisseur et pour le gérant étant celui où le fonds prélève une commission de surperformance (en contrepartie de frais de gestion fixes inférieurs) en cas de dépassement de la performance de son indice de référence.

Quelques réserves essentielles sur le mécanisme de la commission de surperformance : l'indice de référence doit être représentatif de l'univers d'investissement du fonds, il doit impérativement être calculé dividendes ou coupons nets réinvestis, le partage de la surperformance doit être équitable (pour les fonds actions, il nous semble qu'au plus 20% de la surperformance puisse revenir à la société de gestion). Et idéalement, la commission de surperformance ne doit s'activer qu'en cas de performance positive du fonds.

Comment distinguer le beta et l'alpha dans un fonds ?

Le choix d'investir dans des fonds gérés activement implique de la part de l'investisseur ou du conseiller une double conviction : 1. qu'il est possible de battre le marché durablement ; 2. qu'on est capable d'identifier les gérants capables de battre le marché durablement.

Il convient donc, quand on fait le choix d'investir dans des fonds gérés activement, de s'assurer que le gérant est vraiment actif d'une part, ce que l'on peut voir avec l'écart de suivi, appelé "tracking error" dans le jargon financier, qui mesure précisément les écarts de la performance du fonds par rapport à un indice de référence : une tracking error supérieure à 3% dénote un portefeuille assez différent de l'indice ; et que son alpha est positif d'autre part.

Si l'écart de suivi est faible et l'alpha proche de zéro, on a alors affaire à un fonds géré plutôt passivement, et il faut alors s'assurer que les frais de gestion sont en phase avec cette approche passive (pour cela, on pourra utiliser les frais de gestion d'un ETF investi sur la même classe d'actifs comme référence) ou bien ne pas investir dans ce fonds si l'on est vraiment à la recherche d'un fonds géré activement.

D'autre part, le calcul du beta sur 1, 3 et 5 ans permet de voir si le fonds réagit plus ou moins que l'indice de référence de sa catégorie. Quantalys calcule un beta haussier (calculé sur les seuls mois haussiers de l'indice de référence de la catégorie) et un indice baissier (calculé sur les seuls mois baissiers de l'indice de référence de la catégorie), ce qui permet de distinguer les phases de marché : le fonds idéal a un beta haussier supérieur à 1 (et a amplifié la hausse du marché) et un beta baissier inférieur à 1 (et a atténué les baisses du marché).

Quantalys calcule l'alpha, le beta et l'écart de suivi des fonds sur 1, 3 et 5 ans. Ces données sont disponibles dans l'onglet Performance des fiches fonds.

Philippe Maupas , CFA, CAIA, CIPM, est co-fondateur de Quantalys et éditorialiste.