Gestion alternative ou performance absolue ?

Publié le 21/09/2009 - Philippe Maupas
Retour sur la montée en puissance des fonds de performance absolue au détriment des fonds ARIA

Les fonds de gestion alternative cherchent à atteindre un résultat positif quelle que soit l'évolution des grands marchés financiers, d'actions ou obligataires notamment. Ils emploient pour atteindre cet objectif différentes stratégies et investissent sur différentes classes d'actifs.

Ils peuvent ainsi être amenés à investir sur des actifs financiers n'ayant pas une liquidité quotidienne, ce qui a causé les problèmes que l'on sait depuis l'été 2007, date à laquelle les premiers effets de la crise financière ont commencé à se faire sentir : sans liquidité, pas de possibilité de donner un prix à ces actifs, donc pas de possibilité de valoriser le fonds, alors même que les clients sortaient en masse.

Le retour du risque de liquidité

Les fonds les plus conscients du risque de liquidité (à savoir les fonds dont les gérants bénéficiaient d'une expérience suffisante pour avoir connu d'autres crises de liquidités dans le passé) avaient structuré leur mode de fonctionnement de façon adéquate, en exigeant un préavis de sortie plus ou moins important de leurs investisseurs, ou en se réservant la possibilité d'étaler les demandes de remboursement ("gates"), voire de les suspendre dans certaines circonstances. En d'autres termes, en faisant en sorte d'offrir à leurs investisseurs une liquidité en phase avec celle des produits en portefeuille.

D'autres fonds avaient profité du cadre réglementaire des fonds ARIA (à règles d'investissement allégées) mis en place par l'AMF (Autorité des Marchés Financiers) en 2004, pour lancer notamment des fonds de multigestion alternative (voir notre analyse ici) à valorisation quotidienne.

Avant octobre 2008, ce cadre réglementaire ne permettait pas de ne pas honorer les demandes de rachat des investisseurs. Après la faillite de Lehman Brothers, l'AMF l'a rapidement adapté en autorisant la création de "gates" et la modification de la fréquence de valorisation des fonds ARIA(voir les détails ici).

Nombreux furent les fonds de multigestion alternative à opter pour une valeur liquidative mensuelle et à introduire le principe de "gate" dans leur prospectus.

Pour les investisseurs "post-Lehman", la donne a ainsi complètement changé, la liquidité des fonds ARIA n'étant plus aussi bonne que précédemment. Et comme les fonds de multigestion alternative avaient trouvé leur chemin vers les portefeuilles des particuliers par le biais des contrats d'assurance vie, que les assureurs ont, dans la plupart des cas, déréférencé les fonds n'offrant plus de liquidité quotidienne pour des raisons notamment réglementaires, ces particuliers trouveraient aujourd'hui difficilement à investir dans des fonds visant une performance absolue, sans l'émergence d'un nouveau type de fonds.

La montée en puissance des fonds de performance absolue

L'industrie de la gestion a rapidement compris que la demande de produits visant une performance absolue et offrant une liquidité quotidienne existait toujours et que l'appétit pour ce type de stratégie croissait à proportion des pertes encourues par les investisseurs sur les marchés actions.

On assiste donc depuis plusieurs mois à des transferts des catégories AMF ARIA vers la classification AMF "Diversifiés" ainsi qu'à des créations de fonds à objectif de performance absolue classifiés "diversifiés".

Cette dernière classification ne bénéficie d'aucune des dérogations quant à la dispersion des actifs ou à l'effet de levier des catégories ARIA, offre une liquidité quotidienne ou hebdomadaire sans possibilité d'introduire des "gates" ou d'imposer des préavis de sortie.

On espère que les gérants ont retenu la leçon de ces 2 dernières années et investissent dans des actifs dont la liquidité est en phase avec celle qu'ils offrent aux investisseurs.

Par ailleurs, il est probable que leur objectif de rendement d'une part et leurs performances réelles d'autre part, soient inférieurs à ceux des fonds de gestion alternative "traditionnels", ceux-ci gardant toute latitude d'investir dans des actifs moins liquides, dont ils attendent des performances supérieures pour rémunérer cette moindre liquidité. L'avenir le dira.

Une adaptation des catégories Quantalys

Il y a quelques mois, nous avons enrichi notre système de catégories pour tenir compte de l'émergence de ces fonds d'un nouveau type, recherchant une performance absolue sans appartenir aux catégories AMF à règles d'investissement allégées.

Nous avons en effet créé une famille "à performance absolue" (comprendre "à objectif de performance absolue"), elle-même segmentée en différentes catégories selon la classe d'actifs employée par le gestionnaire pour atteindre son objectif de performance absolue.

Les fonds investissant sur le marché actions (cash et dérivés) sont dans la catégorie Performance absolue actions, ceux investissant sur les marchés obligataires (cash et dérivés) dans la catégorie Performance absolue taux, ceux investissant sur les marchés des devises (cash et dérivés) dans la catégorie Performance absolue devises, ceux investissant sur les marchés liées à la volatilité dans la catégorie Performance absolue volatilité et ceux investissant sur plusieurs classes d'actifs dans la catégorie Performance absolue multi classes d'actifs.

Quelle performance et quel risque attendre de ces fonds ?

Il est tout à fait prématuré de se hasarder à fournir un objectif de rendement ou de risque pour ces fonds, dont l'historique est très court et le nombre encore modeste. A l'instar des fonds de multigestion alternative, il est probable que leur rôle dans un portefeuille sera avant tout de réduire le risque plutôt que d'augmenter considérablement la performance, en raison d'une faible corrélation théorique avec les classes d'actifs longues traditionnelles (avant tout actions et obligations).

Nous reviendrons prochainement sur les stratégies mises en oeuvre par certains fonds de ces catégories.

Philippe Maupas , CFA, CAIA, CIPM, est co-fondateur de Quantalys et éditorialiste.