Est-ce le bon moment pour revenir sur les actions ?

Publié le 21/10/2022 - Jean-François Bay
Les grands indices actions comme le Nasdaq sont en baisse de 30% et plus depuis le début de l’année. Les équipes de recherche de ERSTE AM se sont demandées s’il ne serait pas judicieux d’être contrariant et de revenir sur les Actions. Ou plus exactement, plutôt que d’essayer de timer le marché, elles ont essayé d’étudier quel serait le coût d’opportunité de ne pas être investi en ce moment, d’être en cash avec une inflation à 9.9% en Europe et de prendre le risque de louper le rebond ?

Les marchés boursiers mondiaux sont sous pression depuis plusieurs mois. Les principaux indices américains comme le Dow Jones Industrial Average, le S&P 500 et le NASDAQ Composite ont respectivement perdu -18,5 %, -24,8 % et -34,0 % depuis le début de l'année (au 14 octobre 2022).

La brève reprise de l'été a été suivie d'un mois de septembre au cours duquel les trois indices précités ont de nouveau perdu plus de -5 %. Quelles sont les raisons du marché baissier actuel ? Et comment un investisseur particulier peut-il savoir quand c'est le bon moment pour investir dans des actions ?

Diverses raisons qui expliquent cette baisse

Les principaux moteurs des développements actuels sont divers et découlent en partie de différences régionales. Les banques centrales doivent gérer leur politique de taux d'intérêt de manière à réduire la pression sur la spirale haussière de l’inflation. Aux États-Unis, la Federal Reserve Bank (FED) est en première ligne avec sa politique de taux d'intérêt agressivement restrictive (manifestée par des hausses de taux des Fed funds). La Banque centrale européenne (BCE), tout en agissant un peu plus prudemment, a finalement également relevé sensiblement son taux directeur.

La « Forward guidance » fournie par les banques centrales est un autre paramètre important pris en compte par les acteurs du marché. La FED a déjà signalé qu'elle maintiendrait des taux d'intérêt plus élevés pendant une « période prolongée ». À l'heure actuelle, les taux directeurs devraient culminer dans les six à douze prochains mois aux États-Unis autour de 5% et en zone euro autour de 3,0 %. Les prix actuels du marché reflètent déjà ces attentes en matière de taux d'intérêt directeurs.



 

Après le facteur P, des incertitudes sur le facteur E

Les informations à ce jour ou anticipées sur le front des taux d’intérêt sont plutôt négatifs. Mais il ne faut pas oublier qu'aucune d'entre elles n'est une nouvelle susceptible de surprendre le marché. Alors, serait-ce le bon moment pour revenir sur les actions, puisque tout ce qui est négatif est déjà dans les cours ? - Malheureusement, ce n'est pas aussi simple que ça...



 

Nous venons d’évoquer la baisse des marchés. Mais dans le calcul de la valorisation, le célèbre PER (pour Price Earning Ratio) il faut tenir compte des deux paramètres : La baisse des multiples en raison de la baisse des cours (le P) et la baisse des valorisations en raison de la baisse des bénéfices (le E). On voit sur le graphique de JPMorgan reprenant l’évolution du P/E sur le marché américain depuis 1997 que nous sommes actuellement revenus sur un point bas (avec PE x15.1 sur le SP500 contre x16.8 pour la moyenne historique sur 25 ans). Sur le marché européen, le ratio P/E est aujourd’hui à x10.5 (contre x14.6 pour la moyenne historique sur 25 ans).

Par définition, les nouvelles arrivent de manière inattendue, souvent de manière surprenante. Des risques qui n'ont peut-être pas encore été pris en compte par les marchés - tels que des taux d'intérêt directeurs encore plus élevés que ceux mentionnés ci-dessus pourraient apparaître.

On peut aussi évoquer des baisses plus importantes que prévu des bénéfices des entreprises en cas de récession prolongée en 2023 (cf notre article sur la baisse de la croissance mondiale selon le FMI)

https://www.quantalys.com/Article/Consultation/19275

Il est impossible de prédire quand, le cas échéant, nous verrons un flux de nouvelles négatives surprenantes et quel sera son impact fort ou faible sur les prix du marché. Dans des moments comme ceux-ci, on se demande souvent s'il ne serait pas logique de simplement détenir des liquidités ou des instruments du marché monétaire et d'attendre.

Rester sur du cash rapporte peu en ce moment dans l’absolu (avec un rendement de 0.66% pour l’ESTER). Par ailleurs, en période de forte inflation, le besoin de compenser tout ou partie de l’inflation n’est pas neutre pour beaucoup d’investisseurs de long terme (rappelons ici que l’inflation en zone euro est de 9.9% en septembre et le FMI prévoit une inflation à 9.5% pour 2023). Enfin, le graphique suivant montre que cette approche d’attente pourrait avoir un prix élevé en cas de rebond technique.


(source : ERSTE AM / Bloomberg, own calculations; Data as of 23 September 2022; normalized to 100%)

 

La ligne bleu clair du graphique montre la performance du marché mondial des actions depuis l'introduction de l'euro. La ligne bleu foncé illustre ce qu'aurait été la performance si l'on n'avait pas été investi en actions pendant les dix meilleurs mois en Bourse (marqués par des points jaunes). La différence de rendement qui en résulte est évidente. La ligne grise dans la partie inférieure du graphique indique la volatilité sur période glissante. Presque tous les meilleurs mois se produisent en sortie de périodes de volatilité supérieure à la moyenne, ce qui est le cas en ce moment.

 

Conclusion : la stratégie de détention à long terme surpasse souvent le market-timing

Qu'est-ce que tout cela signifie, alors ? La volatilité augmente en raison de l'incertitude du marché. Avoir à surmonter les fluctuations est difficile à prévoir. Par conséquent, les investisseurs peuvent être contrariants et revenir quand les valorisations sont historiquement basses. Ils peuvent aussi s'abstenir d'investir leur argent dans des actions et attendre. Cependant, comme vu ci-dessus, cela pourrait entraîner la perte de gains en capital. La citation bien connue "Time in the market beats timing the market", c'est-à-dire qu'être investi à long terme est généralement mieux que d'essayer de deviner les bons moments d'entrée et de sortie, semble appropriée en cette période.

Historiquement, détenir des liquidités et "attendre des temps meilleurs" a été une erreur coûteuse - en particulier à une époque où investir dans des actions était mal perçu et la majorité des intervenants était négative. Est-ce la même chose cette fois-ci ?

Pour accéder au site de recherche de ERSTE AM :

https://blog.en.erste-am.com/

Jean-François Bay , Directeur Général, Développement international.