ESG : La Place de Paris peut mieux faire !

Publié le 04/11/2022 - Jean-François Bay
Les normes européennes et internationales en matière d’information extra-financière et, particulièrement, d’information relative au climat sont, sous l’impulsion du Groupe consultatif européen sur l’information financière (EFRAG) et de l’International Sustainability Standards Board (ISSB) sur le point d’évoluer de façon considérable. Les textes réglementaires devraient, dans les prochains mois renforcer, les exigences en matière de publication d’informations extra-financières relatives aux politiques environnementale et climatique des acteurs financiers. C’est la raison pour laquelle, même si les acteurs financiers français ont fait des efforts, l’AMF et l’ACPR considèrent dans leur dernier rapport que les professionnels doivent aller beaucoup plus loin. Voici un focus sur les sociétés de gestion.

L’ACPR et l’AMF publient annuellement leur rapport commun sur les engagements des institutions financières françaises en faveur de la lutte contre le changement climatique et de l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050. Ce troisième rapport est l’occasion de faire un point d’étape à l’issue de cette période de 3 ans.

Ce rapport vise à mesurer l’évolution des engagements pris par les acteurs de la Place en faveur du climat et la crédibilité des politiques relatives aux énergies fossiles ainsi que celle de leur mise en œuvre.

Même si l’AMF et l’ACPR constatent l’engagement d’un nombre significatif d’institutions financières au sein des alliances pour la neutralité carbone regroupées au sein de « l’Alliance de Glasgow » toutefois au cours des dernières années, le financement du charbon décroit à un rythme inégal selon les acteurs financiers et l’ambition des politiques sectorielles sur les autres énergies fossiles ne témoigne pas d’inflexion notable. Par ailleurs, les approches demeurent encore hétérogènes, la déclinaison opérationnelle des engagements reste insuffisante et nombre de préconisations formulées par l’AMF et l’ACPR lors des deux précédentes éditions, peuvent ainsi être à nouveau reconduites.

Dans ce contexte, le présent rapport constitue également un appel aux institutions financières à combler rapidement l’écart entre le degré de transparence actuellement observé sur les engagements volontaires et les exigences réglementaires en cours d’application et à venir

Les travaux ont été menés par les deux Autorités en utilisant des informations publiques et issues de questionnaires détaillés envoyés aux plus grands acteurs de la Place (9 banques, 17 assureurs et 18 sociétés de gestion) , complétées par des entretiens et échanges bilatéraux. Nous vous présentons les éléments clefs pour les sociétés de gestion

  1. Une organisation et des moyens de suivi de l’ESG qui restent à renforcer
  • 94% indiquent disposer d’une organisation dédiée
  • 1 SGP n’a pas répondu au questionnaire (Fédéral Finance Gestion)
  • Les niveaux de développement et de qualité des processus restent variables
  • 88% des SGP s’engagent sur des exclusions sectorielles
  • 66% des SGP sur de l’engagement actionnarial environnemental
  • 38% sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

 

  1. Un flou sur les moyens humains dédiés à l’ESG au sein des sociétés de gestion

Pour beaucoup de sociétés de gestion il est difficile de distinguer les ETP (Equivalent Temps Plein) reportés pour le suivi des engagements individuels et/ou collectifs de ceux qui suivent, de façon générale, les sujets ESG au sein de la société.

En ce qui concerne les rémunérations, indexer une partie de la rémunération des employés ou des dirigeants à l’atteinte des engagements climatiques et environnementaux de la SGP peut être un gage du sérieux accordé par cette dernière à ce type d’engagements.

  • 55% des SGP disposant d’engagements climatiques et environnementaux indiquent prendre en compte au moins un élément relatif à leurs engagements climatiques dans leur politique de rémunération
  • 33% d’entre elles intègrent l’ensemble de leurs thématiques d’engagement climatique dans leur politique de rémunération

Le détail et les modalités de prise en compte des engagements climatiques au sein des politiques de rémunérations sont peu claires et restent très généralistes, sans cibler de manière spécifique les engagements climatiques et environnementaux.

 

  1. La qualité et la pertinence des indicateurs de suivi des engagements sont trop disparates

 

  • Politiques d’exclusion :
  • 5% des SGP n’ont pas d’indicateurs spécifiques
  • 38% des SGP qui ont une politique charbon suivent les émetteurs sur liste d’exclusion mais ces réponses ne sont pas suffisamment détaillées afin de permettre une identification des indicateurs exacts qui sont suivis et de comprendre si les non-conformités, les délais de remédiation, … sont bien suivis. Il est donc difficile avec ce niveau d’information de se prononcer sur la pertinence de tels indicateurs.
  • Engagement actionnarial :
  • 55% des SGP disposent d’indicateurs de suivi de la politique d’engagement actionnarial et de vote (nombre total de votes, nombre de votes pour ou contre les résolutions climatiques, etc…).
  • 100% des SGP n’ont défini d’indicateurs de suivi dédiés au dialogue actionnarial initié auprès des émetteurs, notamment pour les sujets climatiques et environnementaux. Le suivi est effectué au cas par cas en fonction du sujet précis abordé et du profil de l’émetteur.
  • Seules 11% des SGP disposent d’un fichier de suivi manuel de l’ensemble des engagements actionnariaux initiés auprès des émetteurs.
  • Réduction des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) des portefeuilles et alignement :
  • L’intensité ou l’empreinte carbone des fonds est l’indicateur le plus utilisé par les acteurs
  • 33% des SGP engagées sont toujours en train de définir leur organisation et processus en lien avec cette initiative,
  • 100% des SGP n’explicitent pas la déclinaison des contraintes de réduction des émissions de GES dans leurs outils d’investissement et de suivi.
  • Pour autant, ce type d’engagement pourrait se traduire par des contraintes similaires à celles suivies par les gérants au titre des autres contraintes extra-financières de leurs fonds : contraintes du label ISR…

 


 

  1. Les sociétés de gestion qui ont déterminé des objectifs intermédiaires chiffrés d’ici 2030 ou 2040 sont très minoritaires

Les SGP disposant d’objectifs chiffrés finaux, qui définissent ensuite des objectifs intermédiaires de court ou moyen terme garantissant l’atteinte de ces cibles finales d’ici 2030 ou 2040 ainsi que la capacité à rendre des comptes au public sur la mise en œuvre de ceux-ci, paraissent très minoritaires.

  • Seules 16% des SGP ont défini de tels objectifs intermédiaires dans le cadre de leurs politiques d’exclusion
  • 22% pour leurs engagements actionnariaux
  • 16% pour leurs engagements de réduction des émissions de GES

Les SGP engagées dans la NZAMI n’ont bizarrement pas toutes reportées les objectifs intermédiaires pourtant exigés par l’initiative (NZAMI exige la définition d’un objectif intermédiaire à horizon 2030).

Or, l’absence d’objectifs intermédiaires – outre l’enjeu réglementaire ou du respect du cahier des charges des initiatives volontaires - empêche de s’assurer de manière formalisée et régulière du respect de la trajectoire prévue pour l’atteinte de l’objectif final et de la bonne mise en œuvre des actions correctives lorsque nécessaire.

 

  1. Data & Analytics : Le recours à des prestataires externes est incontournable

Les données utilisées dans le cadre de l’ESG proviennent rarement uniquement des SGP. En effet, ces dernières ont significativement recours à un ou plusieurs prestataires ou fournisseurs de données externes.

Illustration de l’étape de mise en transparence effectuée au niveau des fonds et des fonds de fonds
(source ESMA)




 

Certaines des données collectées sont des données brutes qui sont intégrées aux modèles d’analyse et de calcul des SGP alors que d’autres sont des données finales qui sont directement reprises telles quelles par les SGP pour l’application de leurs politiques et engagements climatiques.

Accéder au rapport complet 

Jean-François Bay , Directeur Général, Développement international.