De la loyauté dans la vente de produits financiers

Publié le 10/03/2010 - Philippe Maupas
Naissance de la nouvelle autorité de contrôle des banques et des compagnies d'assurance

Annoncée en juillet 2009 et officiellement installée le 10 mars 2009, l'Autorité de Contrôle Prudentiel (ACP) est le nouvel organisme de contrôle des banques et des compagnies d'assurance en France, issu de la fusion de la commission bancaire (CB) et de l'autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM).

Une nouvelle mission : la protection des clientèles

L'ACP hérite de nombreuses missions auparavant dévolues à la CB et à l'ACAM. Une nouvelle mission lui est également confiée : la protection des consommateurs.

Dans son discours, Christine Lagarde, la ministre de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi, a rappelé que "la crise a provoqué un besoin de sécurité chez les consommateurs d’assurance et de produits bancaires". Elle a en outre insisté sur l'asymétrie entre les consommateurs et les prestataires de services, qu'elle a qualifié d'"abyssale".

Dans une transaction entre un acheteur et un vendeur, on parle d'asymétrie d'information quand l'une des parties (le vendeur en l'occurrence) connaît beaucoup mieux le produit ou le service qu'il vend que l'acheteur. C'est effectivement le cas en matière de produits financiers, domaine où la culture générale des acheteurs est souvent très limitée.

Loyauté dans les relations des vendeurs avec les acheteurs

La ministre a employé le terme de "loyauté", une qualité qu'elle juge nécessaire dans les relations des vendeurs avec les acheteurs. Cette notion nous semble la bienvenue dans le domaine de la commercialisation des produits financiers.

Elle avait été longuement présentée dans le rapport de la mission de conseil sur le contrôle du respect des obligations professionnelles à l'égard de la clientèle dans le secteur financier établi en juillet 2009 par Bruno Deletré, Jack Azoulay et Pascale Dugos, tous trois inspecteurs des finances (cliquer ici pour le télécharger sur le site de La Documentation Française).

Les auteurs de ce rapport rappelaient que "le contrôle de la qualité de l’information fournie au client a toujours été un élément essentiel de protection de l’utilisateur de produits ou services financiers", mais que "l’argumentaire développé par le chargé de clientèle lors de l’acte de commercialisation (était)souvent plus important que la documentation remise" et qu'il fallait donc "influer sur les comportements des professionnels et (...) les inciter à agir de manière honnête et loyale à l’égard de leur clientèle".

Un pôle commun à l’ACP et à l’AMF (Autorité des Marchés Financiers), chargé de développer et de coordonner l’action des autorités en matière de contrôle de la commercialisation, sera donc créé. La ministre rappelle toutefois que "le contrôle de la commercialisation n’est pas dans les gènes d’un contrôleur prudentiel" et ne sous-estime pas la difficulté culturelle que l'ACP et l'AMF auront à surmonter pour remplir efficacement cette nouvelle mission.

Même si la France n'a pas été trop touchée par les manifestations les plus évidentes de "déloyauté" de la part de vendeurs de produits financiers qu'ont pu connaître certains pays (vente de crédits immobiliers par des courtiers à des emprunteurs insolvables, vente de produits titrisés complexes sans présenter suffisamment les risques), il subsiste néanmoins de nombreux points d'amélioration dans les pratiques de commercialisation de produits financiers : la qualité des documents commerciaux laisse parfois à désirer, les risques ne sont pas toujours clairement présentés, le suivi au fil du temps des portefeuilles n'est pas systématique.

Nous espérons que tous les professionnels de la distribution de produits financiers intègreront à leur pratique quotidienne cette notion de "loyauté", pour le bénéfice mutuel des consommateurs et de l'industrie.

Philippe Maupas , CFA, CAIA, CIPM, est co-fondateur de Quantalys et éditorialiste.