Marc Lacraz et Vianney Hocquet, Gérants de portefeuille – Dette Corporate Hybride Edmond de Rothschild AM

Publié le 28/04/2025 - Société de gestion
En 2021, Edmond de Rothschild AM a lancé un fonds sur les obligations hybrides d'entreprise. Cette interview exclusive permet de revenir sur une classe d'actif née en 2012 en Europe

Vianney Hocquet et Marc Lacraz - co-gérants du fonds EdR SICAV Corporate Hybrid Bond

 
Les obligations hybrides d’entreprises gagnent du terrain sur l’ensemble des marchés notamment auprès des CGP, pouvez-vous nous présenter les grandes caractéristiques de cette classe d’actif ?
 
Une obligation hybride d’entreprise est une dette émise par une entreprise non-financière. C’est un instrument généralement utilisé par des compagnies  de type « investment grade », avec un risque de crédit jugé comme de bonne qualité par les agences de notation (de AAA à BBB). A la différence d’une obligation classique, une hybride présente l’avantage d’être traitée à 50% comme de la dette et à 50% comme des quasi-fonds propres par les agences de notation, ce qui tend à améliorer le profil  de crédit de l’entreprise. Elle est donc à mi-chemin entre une obligation classique et des fonds propres. Elle dispose d’ailleurs de trois caractéristiques la font ressembler à du capital action :
 
  1. Une maturité perpétuelle ou très longue, assortie d’une option de rachat anticipé de 5 à 10 ans après la date d’émission
  2. La subordination, ce qui signifie que la dette est junior à d’autres dettes En cas de défaut de l’émetteur, elle sera remboursée après les obligations senior.
  3. Le paiement du coupon peut être différé de manière discrétionnaire sans déclencher de défaut sur la dette senior. Dans ce cas le coupon est cumulatif l’année suivante, et l’entreprise ne pourra pas payer de dividende avant d’avoir solder les coupons dus
Les investisseurs apprécient les obligations corporates hybrides car leur risque de défaut est similaire à celui des obligations « investment grade », tout en présentant une prime de rendement supplémentaire à ces dernières. Elles présentent une faible cyclicité et une faible corrélation avec le cycle économique (plus de 50% des obligations sont actives dans les télécommunications au les services aux collectivités – distribution de d‘eau de gaz, d’électricité), et leur duration est modérée de par leur planning de rachat par anticipation  La croissance rapide de cette classe d’actifs née en 2012 en Europe, offre un univers d’opportunité de plus en plus diversifié en termes de secteurs et de zones géographiques.
 
Quelles sont les convictions qui ont amené à la création d’un fonds par Edmond de Rothschild AM ?
 
Depuis 2017 les équipes d’Edmond de Rothschild AM géraient plusieurs produits dédiés pour la clientèle interne du groupe notamment en Suisse. Nous sommes convaincus depuis de nombreuses années de la valeur ajoutée de ce segment de crédit pour les investisseurs obligataires. Cependant l’étroitesse du marché et le manque de diversification nous dissuadaient d’ouvrir la stratégie de manière plus large à nos clients externes. Cet obstacle a été surmonté en 2020 avec une croissance forte de la classe d’actifs tant en montants qu’en nouveaux émetteurs. Dès lors toutes les conditions étaient réunies pour lancer le fonds EdR SICAV Corporate Hybrid Bond en décembre 2021.
Pariant sur l’internationalisation de la classe d’actif, nous avons dès le lancement de notre fonds pris le parti de choisir un indice global nous permettant d’accompagner le développement de ce marché.
 
Quels sont les faits marquants de 2024 à retenir ?
 
Fait suffisamment rare pour être souligné, les hybrides jusqu’alors était un marché  largement dominé par les acteurs (acheteurs comme émetteurs) européens. En 2024, nous avons observé un développement majeur sur le marché des obligations corporates hybrides avec un fort dynamisme d’émission en provenance d’émetteurs américains. En effet, Moody’s a mis à jour sa méthodologie de notation ce qui a complètement changé la donne de l’autre côté de l’Atlantique. Sans rentrer dans des considérations trop techniques, les émetteurs américains peuvent désormais bénéficier d’un traitement en quasi fonds propres (« equity credit ») de 50 % sans devoir renoncer à la déductibilité fiscale du coupon de l’impôt sur les sociétés. Le marché américain des obligations hybrides d’entreprises en a pris note et le volume des émissions a bondi en 2024. Nous nous attendons à ce que cette croissance continue pour les années à venir. Parmi les nouveaux émetteurs potentiels, les entreprises qui émettent déjà des actions préférentielles (preferred shares) aux Etats-Unis sont des candidats évidents. 
 
Quelles sont vos convictions pour l’année à venir ou sur le long terme ?
 
Pour l'année à venir et sur le long terme, nous maintenons une conviction positive concernant les obligations hybrides d'entreprises. Nous considérons globalement cette classe d'actifs comme défensive en raison de sa stabilité et de sa résilience face aux marchés volatils, compte tenu de son profil de risque de crédit Investment Grade. En même temps, elle offre un rendement intéressant grâce à sa subordination, avec une sensibilité modérée à la volatilité des taux. La combinaison de haute qualité et de rendement élevé, associée à la croissance rapide observée notamment sur le marché en USD, apporte selon nous un contexte favorable pour les années à venir.
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