AlphaValue : prudence sur les actions Europe

Publié le 30/05/2011 - Philippe Maupas
Des ratios de valorisation parfois peu élevés, mais un manque d'investisseurs de long terme

AlphaValue est un spécialiste indépendant de l'analyse des actions européennes, suivant plus de 450 valeurs dans l'indice Stoxx 600.

Régulièrement primée pour la qualité de sa recherche, la société, à l'occasion d'une présentation aux investisseurs qui s'est tenue à Paris le 26 mai 2011, s'est montrée moins optimiste qu'en septembre 2010 (voir ici notre compte-rendu).

Un petit air de 2007

Pierre-Yves Gauthier, le directeur de la recherche actions d'AlphaValue, considère que les valorisations des actions européennes sont peu élevées, mais a quelques inquiétudes sur les flux se portant sur les actions.

En matière de valorisation, le ratio cours/bénéfices attendus pour 2011 est de 11,5. Si ce ratio moyen est peu élevé, le ratio médian (50% des sociétés sont au-dessus et 50% sont en-dessous) est de 13,5, un ratio plus proche des ratios historiques. Cet écart est dû aux valeurs financières et défensives, très décotées, alors que le reste de la cote est plus richement valorisé. AlphaValue estime en effet que 30% des valeurs sont à leur cours (ratio cours/bénéfices supérieur à 15).

Même constat en matière de dynamique : la croissance des bénéfices moyenne est de 16,1%, contre seulement 11,2% pour la médiane ; et en matière de rendement du dividende, à 3,78% en moyenne et de 2,96% pour la médiane.

Un potentiel de hausse de 12% mais des nuages à l'horizon

A 6 mois, AlphaValue a un objectif de hausse de 12% sur le Stoxx 600, mais voit quelques risques poindre à l'horizon. Le premier d'entre eux est la hausse du prix de l'énergie, qui réduira les marges des entreprises et le pouvoir d'achat des consommateurs.

AlphaValue se demande également où sont les acheteurs : les investisseurs de long terme historiques (banques, compagnies d'assurance et fonds de pension) font face à des contraintes réglementaires rendant l'investissement en actions plus difficile et les acteurs les plus actifs, appartenant au monde du "shadow banking" (tous les intervenants échappant à la vague de re-régulation post-Lehman) ont des horizons de placement de très court terme, multipliant les arbitrages et les positions couvertes.

Les cours sont soutenus par les liquidités abondantes déversées par les programmes d'assouplissement quantitatif de la Fed, qui touchent à leur fin, et par les politiques accommodantes de la BCE et de la Banque du Japon : AlphaValue craint que la combinaison de la fin du cash bon marché et d'une chute de la confiance fasse baisser les cours de tous les actifs, actions comprises.

De nouveau dans une économie de bulles ?

AlphaValue note que plus la classe d'actifs est exotique, meilleure est sa performance : actions des pays émergents, valeurs très endettées, matières premières, produits dérivés du VIX (l'indice de volatilité), futures sur vins de Bordeaux, marché de l'art.

La cause ? Un coût de l'argent ridiculement bas. Emprunter à 3,5% (le niveau actuel des taux américains à 10 ans) donne au cash emprunté un levier de 29 fois, d'autant plus irrésistible que le risque peut être couvert et transféré à des tiers.

Maître-mot dans un marché non directionnel : sélectivité

Même si de nombreuses valeurs sont très faiblement valorisées, l'absence de flux durables sur les actions rend tout rally illusoire. Les secteurs ayant les meilleurs momentums risquent d'être affectés par la hausse des taux, qui conduira à une augmentation du coût de financement.

AlphaValue considère ques les belles banques européennes sont très décotées et conseille de s'y intéresser dès que le problème de la Grèce aura trouvé un début de résolution.

La société s'attend aussi à un moindre dynamisme des commandes des entreprises, qui affectera les biens d'équipement, les semi-conducteurs et le secteur des logiciels.

Au chapitre des révisions de bénéfices, AlphaValue attend des bonnes surprises du côté de l'automobile et de la chimie et a des inquiétudes pour les valeurs pharmaceutiques et les services aux collectivités.

Enfin, Pierre-Yves Gauthier rappelle que les valeurs distribuant des dividendes élevés ont connu des parcours boursiers très décevants depuis 3 ans, le marché les ayant clairement délaissées au profit des valeurs de croissance. Cette croissance qui paraît de plus en plus fragile et dont le moindre infléchissement pourrait affecter les valorisations.

Et Gauthier de conclure que si les valeurs défensives sont bon marché, elles n'en seraient pas moins victimes comme les autres si les seuls investisseurs actifs sur le marché des actions s'en retiraient.

Philippe Maupas , CFA, CAIA, CIPM, est co-fondateur de Quantalys et éditorialiste.