Valquant : le salut par le double dip ?

Publié le 08/09/2011 - Philippe Maupas
La récession peut être un moyen de réduire le stock gigantesque de dettes

A chaque fois que les marchés actions subissent des baisses brutales, les investisseurs cherchent à comprendre et se tournent vers des experts plus ou moins compétents, plus ou moins libres dans leur parole, plus ou moins exempts de conflits d'intérêt.

Une voix indépendante, très libre et sans conflits d'intérêt apparents est celle d'Eric Valiègue, de Valquant, qui fournit depuis des années à des clients professionnels (investisseurs institutionnels, gérants d'OPCVM) des conseils sur les actions européennes.

Lors de la réunion de rentrée qui s'est tenue récemment à Paris, l'assistance était très fournie, ce qui révèle le besoin de comprendre d'investisseurs très désorientés.

Galiègue est revenu sur les événements du mois d'août, rappelant qu'au krach boursier en Europe a répondu une fuite vers la qualité de la part des investisseurs qui se sont massivement reportés sur les actifs refuges habituels : obligations d'Etat américaines (en dépit de la dégradation de la note du pays par Standard & Poor's) et allemandes, franc suisse et or.

Le krach en Europe a été déclenché par la conjonction de 3 facteurs : la crise de la dette dans les pays développés, la confirmation du ralentissement économique global (pays dits développés et pays dits émergents) et des résultats d'entreprises moins bons que prévu en Europe (Galiègue notant que les entreprises américaines ont moins déçu que les entreprises européennes).

Pour l'expert de Valquant, la crise boursière reste pour le moment un phénomène européen : les Etats-Unis n'ont presque pas été affectés, alors même que le dollar est plus malade que l'euro. Au plan macro-économique, Galiègue considère que le risque de double-dip (nouvelle plongée en récession) est bien réel.

Sur le front des devises, il voit dans la baisse du dollar "l'arme absolue" pour plusieurs raisons : cette baisse facilite les exportations américaines et partant la réindustrialisation du pays souhaitée par de nombreux politiques ; permet aux investisseurs américains d'encaisser des gains de change important sur leurs avoirs financiers détenus hors des Etats-Unis ; est totalement neutre pour le remboursement de la dette, dénominée en dollar. Selon Galiègue, s'il y a un QE3 (troisième programme d'assouplissement quantitatif piloté par la Réserve Fédérale américaine), l'arme de la baisse du dollar sera de nouveau utilisée.

Entre le ralentissement et la récession, Galiègue a fait son choix : pour lui, malheureusement, le retour en récession est très probable. En effet, la récession lui semble le passage obligé de la crise actuelle : ses effets sur le corps social (dans un processus darwinien d'adaptation des espèces ou schumpeterien de destruction créatrice) permettront de tuer la dette. La récession a en effet des effets collatéraux bénéfiques : en accélérant la disparition des acteurs endettés les plus faibles, elle supprime la dette de ces acteurs... Quant aux survivants, ils doivent obligatoirement épargner pour rembourser leur dette.

Rappelant le précédent du double dip de la période 1979-1983, qui a permis à l'économie mondiale de tordre le cou à l'inflation, Galiègue estime que le double dip de 2008-2012 permettra peut-être de tordre le coup à la déflation.

Les banques détenant de nombreuses créances sur des acteurs qui mourront pendant ce double dip seront bien entendu très malmenées, l'expert de Valquant n'excluant pas qu'il faille en nationaliser certaines.

Cette vision se traduit en une appréciation des grandes classes d'actifs : selon Galiègue, les obligations des pays AAA à marché large devraient continuer à s'apprécier (Etats-Unis, Allemagne, Japon) ; les obligations corporate et souveraines non AAA devraient souffrir de la hausse des primes de risque ; les matières premières devraient baisser, même si la demande des pays émergents reste forte ; les actions peuvent encore baisser en cas de retour en récession, mais les entreprises sortiront renforcées de la crise et les niveaux de valorisation sont très attractifs (Galiègue estime la sous-valorisation des actions françaises à 30%). Mais ce potentiel de revalorisation ne s'exprimera pas dans les prochains mois. Quant aux devises, Galiègue prévoit dans un premier temps une lourde chute de l'euro, puis une lourde chute du dollar en fin d'année ou au début 2012, selon la date de mise en place d'un QE3 massif.

Des vues peu réjouissantes mais très argumentées, qui ne plaident pas en faveur des produits risqués à court terme. Nous avons récemment analysé le comportement des fonds de l'Observatoire de la Gestion Flexible pendant le mois d'août, nous reviendrons prochainement sur les fonds d'autres catégories ayant tiré leur épingle du jeu pendant l'été.

Philippe Maupas , CFA, CAIA, CIPM, est co-fondateur de Quantalys et éditorialiste.