Carmignac parle au FT

Publié le 01/10/2013 - Philippe Maupas
Bouche cousue sur sa succession, le gérant star se confie sur les récentes contre-performances

Dans un entretien avec Maddison Marriage du Financial Times (enregistrement nécessaire, entretien en langue anglaise), Edouard Carmignac s'amuse des spéculations sur son successeur. Agé de 66 ans, il insiste sur sa bonne forme et indique qu'il pourrait être le fils de Warren Buffett. Notons que ce dernier a 83 ans et qu'il aurait dû avoir ce fils à 17 ans.

Edouard Carmignac admet que la performance des fonds qu'il gère a été plutôt décevante cette année. Carmignac Investissements (part A) est en hausse de 9% au 26 septembre et sous-performe la catégorie Actions Monde, en hausse de 12.57% ; Carmignac Patrimoine (part A) est en hausse de 0.52% à la même date et sous-performe la catégorie Flexibles Monde, en hausse de 3.49% (voir ici notre analyse sur les difficiles mois de mai et juin pour ce fonds).

La faute aux émergents

Edouard Carmignac confesse une trop grande prudence envers les marchés européens et une mauvaise anticipation après les propos de Ben Bernanke en mai, annonçant que la Fed réduirait son programme d'achats d'obligations, lesquels propos ont conduit à une très forte correction sur les marchés dits émergents. Bien que l'exposition aux marchés émergents dans les portefeuilles concernés ait été régulièrement réduite depuis 18 mois, la position résiduelle était encore trop élevée et a tiré les performances vers le bas.

Successeur : ne rien dire avant

Questionné sur l'absence de successeur désigné, le fondateur de Carmignac Gestion rétorque que si un successeur était nommé avant son départ effectif, les talents déçus quitteraient la société. Le Financial Times cite, parmi les candidats présumés à la succession, la propre fille d'Edouard Carmignac, Maxime, récemment nommée responsable du bureau de Londres, Eric Helderlé, le directeur général, et Eric Le Coz, le directeur général à Luxembourg, tous les deux présents depuis des années.

Collecte en baisse en 2013

Le FT, citant des données Morningstar, indique que Carmignac Gestion a enregistré en 2013 des retraits nets à hauteur de 155 millions d'euros à fin août. Nos propres calculs au 24 septembre, excluant quelques parts en sterling, indiquent des encours ayant progressé depuis le début de l'année de 828 millions, se décomposant en 558 millions de collecte nette et 270 millions d'effet marché positif, soit 53,13 milliards d'euros.

 

 

Pour le vaisseau-amiral Carmignac Patrimoine, dont les 5 parts référencées par Quantalys pèsent 28.09 milliards d'euros au 26 septembre 2013, la collecte à cette date depuis le début de l'année a été légèrement positive, à 8 millions d'euros, ainsi que l'effet marché à 77 millions d'euros. Les encours ont donc progressé de 85 millions.

 

 

En revanche, sur le seul mois d'août, les investisseurs ont retiré près de 296 millions d'euros.

 

 

La tendance s'est poursuivie en septembre puisque près de 490 millions d'euros ont été retirés entre le 1er et le 26 septembre. Une goutte d'eau pour le fonds, mais il ne faudrait pas que la tendance s'accélère.

 

 

Frais élevés : oui, comme le prix d'un sac Hermès

Interrogé sur des frais de gestion perçus comme élevés par le journaliste du FT, Edouard Carmignac rétorque qu'un sac Hermés est sans doute cher, mais qu'une fois qu'on le compare à un sac vendu en supermarché, le sac Hermès n'apparaît plus aussi cher. En d'autres termes, la qualité exceptionnelle a un prix, les fonds Carmignac sont exceptionnels donc les frais sont élevés.

Ce qui, en passant, met cruellement en relief le fait que les frais sont trop élevés sur le marché français : nul ne trouve les frais des fonds de Carmignac Gestion trop élevés sur ce marché, puisqu'ils sont plutôt inférieurs (voire très inférieurs) aux frais pratiqués par les boutiques de gestion sur leurs parts destinées à la clientèle de particuliers. Si l'on évite les parts E, beaucoup trop chargées car incluant la rémunération du distributeur dans les frais de gestion, les frais réels des parts A des fonds sont très raisonnables.

En ce qui concerne l'international, Edouard Carmignac admet que le développement au Royaume-Uni est plus lent que prévu en raison d'un manque de notoriété de Carmignac Gestion auprès de la communauté des conseillers financiers. Quoique réputé très ouvert sur l'extérieur, le marché anglais lui paraît quelque peu "parochial" (centré sur sa paroisse).

Carmignac réaffirme la priorité donnée à l'Europe pour le développement de sa société et la nécessité de réussir à percer au Royaume-Uni, même si le développement en Asie est toujours au programme.

Philippe Maupas , CFA, CAIA, CIPM, est co-fondateur de Quantalys et éditorialiste.