Quels droits pour les investisseurs?

Publié le 07/07/2014 - Philippe Maupas
La déclaration des droits de l'investisseur de CFA Institute, 10 droits fondamentaux décryptés

On parle beaucoup des institutions financières depuis 2007, souvent pour les clouer au pilori : conflits d'intérêts non dévoilés, court-termisme, pratiques frauduleuses dans les cas extrêmes. Le régulateur et le législateur ont donc considérablement renforcé un arsenal déjà fourni de règlementations et de lois pour tenter de mieux contrôler les institutions financières.

On en oublie parfois que ces institutions sont en théorie au service de leurs clients, les investisseurs. Et que les victimes principales des pratiques déviantes sont ces mêmes investisseurs, dont on parle assez peu.

CFA Institute est un organisme nord-américain à but non lucratif administrant depuis plus de 50 ans un programme de certification financière à destination des professionnels de l'investissement, le programme CFA (Chartered Financial Analyst). Fort de plus de 115 000 membres affiliés à titre individuel, cet organisme a lancé en 2013 une inititiative globale visant à restaurer l'image de la finance en la remettant au service de la société, Future of Finance (lien vers un site en anglais).

Future of Finance comporte plusieurs volets, l'un d'entre eux s'intitulant "Putting Investors First" (L'investisseur avant tout). Dans ce cadre, les experts rassemblés par CFA Institute ont écrit une déclaration des droits de l'investisseur, rappelant 10 droits de l'investisseur quand il a recours à un professionnel de l'investissement ou à une institution financière.  La déclaration des droits de l'investisseur est accessible ici en français.

Voici ces 10 droits. En italique, nos commentaires.

1. Je suis en droit d'exiger une attitude honnête, éthique et professionnelle, respectant les lois en vigueur.

Il s'agit d'un rappel de notions évidentes : a minima le respect des lois en vigueur, et idéalement une attitude et un comportement honnêtes (pas seulement au sens du respect de la loi), éthiques et professionnels.

2. Je suis en droit d'exiger des conseils et une assistance objectifs et indépendants basés sur une analyse éclairée, un jugement prudent et des efforts assidus.

Mon interlocuteur doit être objectif et indépendant (ce dernier point ne sera pas satisfait dans le cas d'un salarié d'une banque ou d'une compagnie d'assurance, ne pouvant dans la quasi totalité des cas que commercialiser les produits maison, il suffit alors d'avoir conscience de ce fait) et doit procéder à une analyse préalable à tout conseil.

3. Je suis en droit d'exiger que mes intérêts financiers priment sur ceux du professionnel et de l’organisme.

C'est possible quand l'investisseur et son conseiller sont dans une relation contractuelle fiduciaire, cadre qui n'est pas répandu en France. Hors relation fiduciaire, une telle subordination des intérêts du professionnel à ceux du client est fréquente mais pas systématique, et il convient de bien analyser les motivations et incitations du professionnel afin de s'assurer qu'elles ne le pousseront pas à favoriser ses propres intérêts.

4. Je suis en droit d'exiger un traitement équitable par rapport aux autres clients.

Les différences de traitement sont tout à fait possibles, mais doivent être fondées sur des critères objectifs et publiés.

5. Je suis en droit d'exiger la divulgation de tout conflit d’intérêts existant ou potentiel dans le cadre d’une prestation de services ou de produits.

Le conflit d'intérêts est consubstantiel à la relation commerciale : il faut vivre avec, et pour cela le professionnel doit le divulguer à son client afin que ce dernier puisse évaluer en toute indépendance si le conflit d'intérêts (réel ou potentiel) est susceptible d'influencer sur la pertinence du conseil fourni, ou du produit ou service vendu. Bien entendu, certains conflits d'intérêts doivent être interdits.

6. Je suis en droit d'exiger une bonne connaissance de ma situation, afin  que les conseils dispensés correspondent à mes objectifs financiers et prennent en compte mes différentes contraintes.

Ca tombe sous le sens, mais bien connaître son client investisseur nécessite d'avoir du temps et des outils : toutes les structures ne sont pas forcément à même d'allouer les ressources nécessaires à la bonne connaissance du client.

7. Je suis en droit d'exiger des informations claires, précises, complètes et opportunes, rédigées dans un langage  simple et présentées de manière explicite.

L'asymétrie d'information entre le professionnel et l'investisseur est parfois très importante. Il importe de la réduire au maximum en utilisant un langage compréhensible du plus grand nombre, sans jargon. Il reste beaucoup de travail en la matière, l'éducation des investisseurs étant le parent pauvre dans le monde de l'investissement.

8. Je suis en droit d'exiger une explication de l’ensemble des frais et des coûts à ma charge, ainsi que la justification du caractère équitable et raisonnable de ces dépenses.

La transparence en matière de frais a fait de grands progrès pour les OPCVM : le DICI (document d'information clé pour l'investisseur), mis à jour annuellement, fournit le montant des frais courants et de l'éventuelle commission de surperformance. Ces éléments ne sont hélas pas systématiquement mentionnés dans les reportings mensuels. La transparence est encore perfectible pour les produits de type EMTN.

9. Je suis en droit d'exiger la confidentialité de mes informations.

Ce droit est bien encadré en France.

10. Je suis en droit d'exiger des dossiers adéquats et complets pour justifier les opérations réalisées pour mon compte.

C'est facile dans le cadre du courtage, où l'avis d'opéré est systématique. Dans le cadre du mandat de gestion, c'est parfaitement bien encadré par la réglementation et la législation françaises.

Quantalys conçoit des outils d'analyse de fonds, de construction de portefeuilles et de contrôle des risques pour les conseillers financiers et les investisseurs autonomes. Nous faisons en sorte depuis le premier jour de travailler exclusivement dans l'intérêt de nos clients et souscrivons à l'esprit et à la lettre de la déclaration des droits de l'investisseur.

Philippe Maupas , CFA, CAIA, CIPM, est co-fondateur de Quantalys et éditorialiste.