Fonds communs de placement : l'indispensable classification

Publié le 03/02/2015 - Jean Paul Raymond
Suite de la série d’articles sur la gestion collective. Cette semaine l'article a pour thème la catégorisation des fonds communs de placement

La classification des quelque 30.000 fonds d’investissement accessibles en France est une nécessité tant pour l’analyste que pour l’investisseur. Cette catégorisation est essentielle pour faciliter les recherches mais aussi pour évaluer correctement les performances des supports. Méthodologie.

Pas moins de 30.000 fonds communs de placement sont accessibles au public en France. De nature très variée, ils investissent dans des produits sous-jacents aussi divers que des actions, des obligations, des matières premières, des produits dérivés etc. Conséquence : pour être en mesure de les analyser correctement, il est nécessaire de les comparer entre supports ayant des stratégies, des objectifs et des actifs sous-jacents similaires. La création de groupes homogènes est une nécessité, tant pour l’analyste que pour l’investisseur.

Ces fonds, pour être agréés à la vente en France, doivent publier un certain nombre de documents de référence qui vont, entre autres, décrire la stratégie d’investissement appliquée. Ce qui permet de les classer par type de sous-jacents. Ces groupes homogènes sont appelés catégories et sont mis en place par les différentes bases de données du secteur, chacune ayant créé sa propre arborescence de classement.

Ces arborescences permettent de rentrer de plus en plus dans le détail de la gestion selon le principe suivant : « Actions > Actions Europe > Actions Allemagne > Actions Allemagne petites capitalisations ». A titre d’exemple, la base de données Quantalys est structurée en 140 catégories différentes dans lesquelles sont classés les 30.000 fonds disponibles à la vente en France.

Catégoriser les fonds : une nécessité pour la recherche et l’évaluation

Cette catégorisation a pour principal objectif d’établir des classements et de définir un marché de référence, base du calcul des indicateurs financiers.

La notation des fonds - les fameuses « étoiles » - est notamment réalisée pour les fonds d’une même catégorie par l’ensemble des analystes (à l’exception notable d’Europerformance, qui définit une notation absolue prenant en compte le momentum des catégories les unes par rapport aux autres).

Traduction : lorsque vous achetez un fonds 5 étoiles, vous investissez dans un fonds qui est performant par rapport aux autres fonds de même nature (c’est-à-dire qui investissent dans les mêmes sous-jacents et qui de ce fait sont classés dans la même catégorie).

De la même manière, la plupart des indicateurs avancés sont calculés par rapport à un marché de référence, assigné à chacune des catégories. C’est le cas pour le ratio d’information et le béta qui sont deux indicateurs importants couramment utilisés par les analystes.

Lire à ce sujet la définition des principaux indicateurs pour évaluer les fonds d’investissement

La catégorisation permet aussi de faciliter la recherche des fonds, qu’elle soit directe ou pour répliquer une allocation d’actifs prédéfinie. En effet, l’investisseur sait généralement vers quel type de produit il veut s’orienter. Le fait de pouvoir restreindre l’univers de recherche à la catégorie concernée représente un avantage en termes d’efficacité mais aussi pour l’analyse et la comparaison.

Processus de catégorisation

Il existe deux grandes méthodes pour classer les fonds : la méthode juridique et la méthode quantitative.

La méthode juridique consiste à lire l’objectif de gestion du prospectus du fonds et à catégoriser les fonds en fonction de ce qui est déclaré par l’asset manager dans ce document qui a force de loi.

Dans cette méthode on catégorise les produits non pas en fonction de ce dans quoi ils ont investi mais en fonction de ce dans quoi ils ont le droit d’investir. Cette catégorisation se révèle alors parfois complexe car les descriptions peuvent être imprécises et permettre de classer le fonds dans deux catégories distinctes proches l’une de l’autre. Par exemple un fonds flexible peut aussi être classé comme fonds à performance absolue ou patrimonial.

De ce fait, la catégorisation par cette méthode est un processus lent, laissant une large part à l’appréciation de l’opérateur. Ce dernier devra forcément être un spécialiste expérimenté qui pourra être amené à contacter le gestionnaire du fonds pour mieux comprendre la stratégie utilisée afin de faire une catégorisation adéquate.

La méthode quantitative résulte d’une volonté d’automatiser le processus en classant les fonds en fonction de leur comportement dans le temps. Des algorithmes complexes sont mis en place pour ce faire et donnent lieu à un corpus important de recherche fondamentale. Certains modèles mathématiques basés sur des modèles proches de ce qui se fait en intelligence artificielle, comme les carte auto-adaptatives de Kohonen, ont récemment donné des résultats probants.

Néanmoins ces modèles, aussi poussés soient-ils, comportent deux défauts majeurs selon nous :

  • Ils requièrent d’avoir à disposition un historique pour l’analyse ce qui ne permet pas de classer le fonds immédiatement.
  • Ils sont purement comportementaux (et de ce fait décrivent ce dans quoi est investi le fonds et non ce dans quoi il est susceptible d’investir)

Ce dernier point est particulièrement intéressant à analyser et se révèle quasiment philosophique. Que doit être la classification ? Ce qui est ou ce qui peut être ?

Selon nous, la réponse est clairement la seconde. En effet, si un gestionnaire se donne le droit d’investir dans un type de marché et qu’il ne le fait pas en investissant dans un sous-groupe, rien ne garantit qu’il ne changera pas de stratégie dans le futur et qu’il ne finira pas par utiliser le droit qu’il s’est octroyé initialement. La classification quantitative porte donc en elle une conséquence : se donner la possibilité de changer de catégorie dans le temps au gré des choix tactiques d’investissement du gérant. Or, ce changement de catégorie pose un certain nombre de problèmes du fait de l’ensemble des calculs qui dépendent de la catégorisation. En particulier la note attribuée au fonds. Cela reviendrait à dire que les notes successives d’un même produit n’ont pas été calculées de la même manière d’un mois sur l’autre, ce qui ne nous parait pas acceptable.

Aussi, même si la catégorisation juridique est un processus lent et complexe pour plus de 30 000 produits à classer, il nous semble être le seul viable dans son principe même.

L’avis du spécialiste Quantalys

La catégorisation permet aussi de calculer une moyenne de catégorie qui est la moyenne des performances de l’ensemble des fonds d’une catégorie et qui, sur un certain nombre de points, ressemble à un benchmark. En effet, il est tentant de dire que la moyenne de catégorie est une bonne approximation de ce qu’est le marché, en particulier pour les classes d’actifs peu ou mal représentées par des indices de référence officiels (les fonds flexibles par exemple).

Cela est tentant mais cela est faux.

En effet, si la valeur à une date déterminée d’un indice de référence est gravée dans le marbre et ne bouge plus par la suite, ça n’est pas le cas d’une moyenne de catégorie dont la valeur changera lors de l’introduction de nouveaux fonds dans la base de données.

Certes, la déviation est faible en général mais peut être beaucoup plus importante sur des catégories peu peuplées, pour lesquelles l’introduction de quelques fonds peut changer notablement les chiffres.

 

Lire l'article original sur cbanque.com

Jean Paul Raymond est associé fondateur, directeur du développement de Quantalys.