Marchés émergents : l'Eldorado ?

Publié le 28/09/2007 - Philippe Maupas
Les actions des pays émergents enregistrent des performance époustouflantes depuis 5 ans, pour un niveau de risque moins élevé que par le passé : est-ce durable ?

Des hausses exubérantes suivies de krachs retentissants, telle était l'image des marchés émergents. Crises des pays d'Asie du sud-est, crise russe, crise en Argentine. Depuis quelques années, rien de tel : les économies des pays émergents sont en pleine forme, les finances publiques à l'équilibre, voire en excédent (notamment pour les pays producteurs de matières premières ou d'énergies fossiles), des entreprises coréennes, indiennes, chinoises, brésiliennes ou russes s'imposent sur les marchés mondiaux, rachetant des entreprises des pays développés et surtout les sociétés des grands pays émergents se structurent et l'on assiste à la constitution d'une classe moyenne avide de consommer, facteur de stabilisation politique et de démocratisation.

Pour toutes ces raisons, les marchés émergents sont devenus beaucoup moins risqués que par le passé. Autre facteur important, la moindre dépendance des pays émergents vis-à-vis des Etats-Unis, pour deux raisons : l'émergence d'une classe moyenne très consommatrice et donc d'un marché intérieur faisant pièce à l'exportation, qui fut longtemps le moteur principal de la croissance de ces pays, et la montée en puissance des échanges entre pays émergents.

Résultat, les catégories Actions Marchés Emergents enregistrent depuis 3 ans des résultats très largement supérieurs à ceux des principaux marchés développés. Qu'on en juge dans le graphique ci-dessous (tiré de la rubrique Catégories accessible ici) : à fin août 2007, sur 3 ans, la performance moyenne annualisée de la catégorie Actions Pays Emergents Monde est de 31,8% pour une volatilité de 16.2%. Pour la catégorie Actions France, la performance annualisée est de 17.9% pour une volatilité à 11.2% (les résultats des catégories Actions Europe et Actions Zone Euro sont à peu près les mêmes). Quant à la catégorie Actions Etats-Unis, sa performance annuelle en euro est de 6,53% pour une volatilité à 10.15%. Pis encore, la performance annuelle en euro de la catégorie Actions Japon est de 6,61% pour une volatilité de 14.72%. Cerise sur le gâteau, les marchés émergents ont mieux traversé la crise du subprime de l'été dernier que les marchés développés.

Est-ce à dire qu'il faut affecter une part importante d'une allocation d'actif aux marchés émergents ? Nous n'en sommes pas certains. Si l'on ne met aucune contrainte de poids à cette classe d'actif, sur la base des hypothèses de rendement et de risque attendus utilisées par notre frontière efficiente (voir ici), les allocations optimales des portefeuilles les plus orientés actions suggèrent de consacrer jusqu'à 18% d'un portefeuille aux actions marchés émergents. Nous avons choisi de limiter la part des émergents à 8% du total pour l'allocation d'actif la plus offensive.

Pourquoi ? Parce qu'il nous semble que les marchés émergents peuvent fort bien connaître les mésaventures des actions technologiques en leur temps, ou du subprime plus récemment : la formation d'une bulle sur cette classe d'actif est possible, les niveaux de valorisation sont très élevés et la moindre déception sur la croissance, des soubresauts géopolitiques, une récession aux Etats-Unis peuvent déclencher une correction brutale.

Notez que les fonds les moins volatils sont les fonds exposés à la totalité des marchés émergents (voir ici tous les fonds de notre catégorie Actions Pays Emergents Monde). La hiérarchie rendement/risque est respectée, puisque les fonds de la catégorie Actions Pays Emergents Europe (cliquez ici pour les voir) sont à la fois plus performants et plus volatils sur 3 ans, les fonds Actions Pays Emergents Amérique du Sud (cliquez ici pour les voir) remportant la palme, tant du rendement que du risque sur 3 ans.

Même commentaire pour les fonds mono-pays : qu'il s'agisse des fonds Actions Chine, Grande Chine ou Inde, si la performance est souvent au rendez-vous (notamment depuis 1 an pour la catégorie Actions Chine), prenez garde à la volatilité. En cas de retournement du marché, la chute peut être très brutale.

Philippe Maupas , CFA, CAIA, CIPM, est co-fondateur de Quantalys et éditorialiste.