Nature à vendre

Publié le 28/06/2023 - Triodos Investment Management BV
Selon un récent rapport de Bloomberg*, nous devrons dépenser 1 000 milliards de dollars par an si nous voulons protéger la biodiversité mondiale.

Une somme considérable ? Absolument ! C'est à peu près le même montant que ce que l'économie néerlandaise produit chaque année (PIB néerlandais). Tout dépend de la façon dont on voit les choses : actuellement, dépouiller la nature de ses atouts ne nous coûte pratiquement rien. Personne ne verse de salaire aux abeilles qui pollinisent les fleurs et personne ne rémunère la forêt tropicale pour son rôle de poumon de notre planète. Si l'économie mondiale dépend fortement des « services écosystémiques », plus de la moitié de l'activité économique dépend de la nature. Si la nature s'effondre, l'économie mondiale s'effondrera aussi.

 

Si l'on considère les choses sous cet angle, 1 000 milliards d'euros sont une somme négligeable, surtout si l'on considère que cet investissement dans la biodiversité contribuera également à résoudre la crise climatique. Alors, qu’attendons-nous ? La manière la plus évidente d'y parvenir serait de passer par nos gouvernements. En interdisant l'épuisement par des lois et des règlements, en fixant un prix pour l'extraction de la nature à des fins de production économique, en accordant des subventions pour la réhabilitation écologique, éventuellement en achetant collectivement des terres, en restaurant la nature. Ces prix « réels » seraient évidemment plus élevés, mais ils permettraient aux utilisateurs de prendre des décisions plus réfléchies. Quant à l’argument des potentiels problèmes de distribution que cela entraînerait, et du fait que le citoyen lambda aura l'impression que « ce n'est pas son problème » : oui, il faut bien sûr y prêter attention. Or, il s’agit là d'une politique de distribution, pas d'une politique de protection.

 

Il semble que ma pensée soit trop simple : il y aura toujours des gens qui essaieront d'en tirer profit. Et pourtant, ceci aussi peut être résolu par le marché, car le marché est efficace. C'est ainsi que se développe le jargon de la vente de produits naturels : solutions basées sur la nature, marchés volontaires du carbone, ingénierie avec la nature, etc.

 

La nature comme nouvelle catégorie d'actifs, la marchandisation d'un bien public. L'idée est assez simple, comme pour tous les investissements : vous avez un investissement, un flux de trésorerie et des frais de courtage. Lorsque les flux de trésorerie intéressent principalement des parties privées, comme c'est le cas pour les crédits d'émission de gaz à effet de serre, les mêmes problèmes que ceux observés sur les marchés se posent : ils sont axés sur le court terme et sont réducteurs. Tout est fait pour accélérer le processus d'octroi de crédits de gaz à effet de serre aux parties qui n'auront alors pas besoin de réduire autant leurs propres émissions. Résultat : un Far West de normes et de certificats, où les affirmations de récupération de la nature sont faciles à formuler mais difficiles à vérifier. Ce qui est sûr, c'est que cela remplit les poches des parties financières qui encaissent la redevance, et si les risques privés deviennent trop élevés, l'aide publique est sollicitée pour réduire le risque de l'actif. Pour le bien commun, notre avenir, notre nature. Quel gouvernement peut résister à une telle offre ?

 

Devrions-nous alors oublier cette participation des capitaux privés ? Non, je ne pense pas. Nous n'avons pas ce luxe. Nous avons également besoin de capitaux privés pour accélérer la restauration de la nature. Nous devons essayer beaucoup de choses, mettre en place les conditions adéquates et faire en sorte que le secteur public et le secteur privé travaillent ensemble - mais jamais dans le seul but d'obtenir un rendement financier. Un bien public qui est d'abord extrait par les marchés pour en tirer des bénéfices ne peut pas être restauré dans les mêmes conditions. La nature est trop précieuse pour être offerte à prix cassés.

 

La protection de la biodiversité et la lutte contre le changement climatique par le biais de règles et de réglementations ne suffisent pas à accélérer le financement de la restauration de la nature. Nous avons besoin de conditions favorables et de capitaux publics et privés pour résoudre ces problèmes, écrit Hans Stegeman dans sa chronique.

 

Solutions basées sur la nature, marchés volontaires du carbone, ingénierie avec la nature - ce ne sont là que quelques exemples du jargon commercial que nous utilisons pour faire de la nature une nouvelle catégorie d'actifs. Oui, nous aurons besoin de fonds privés pour financer la protection de la biodiversité. Mais nous ne pouvons pas laisser la nature aux seuls marchés pour qu'ils en tirent profit, affirme Hans Stegeman dans sa chronique. « Nous devons créer les conditions adéquates et mettre en place une coopération entre les secteurs public et privé. Parce que la nature est trop précieuse pour être vendue à prix cassés. »

 

*rapport de Bloomberg

Triodos Investment Management BV .