- Après le marathon électoral de 2024, 2025 marquera un réveil brutal pour les gouvernements populistes confrontés aux dures réalités budgétaires.
- Les promesses électoralistes de nature inflationniste seront mises à l'épreuve par les marchés obligataires, en particulier aux États-Unis.
- Dans la zone euro, la menace plane d’une contagion de la crise politique française à l’économie réelle du continent. En Chine, le refus idéologique d’une relance par la consommation obère toujours les perspectives de rebond.
- Si dans un premier temps les marchés d’actions américains devraient bénéficier des principales mesures économiques de la nouvelle administration, les tensions obligataires pourraient entraîner une rotation des portefeuilles à la faveur des autres blocs économiques, ce qui plaide en faveur de la diversification.
- Les actions européennes sous-évaluées ainsi que les investissements au sein de pays idéologiquement proches de Trump qui sont engagés sur des politiques d’offre et d’ajustement budgétaire apparaissent attractifs.
- En ce qui concerne les taux, les obligations investment grade de maturité courte, les obligations à haut rendement et les obligations à taux réel ont notre faveur.
Perspectives économiques - Raphaël Gallardo, économiste en chef
Le marathon électoral de 2024 (40% de la population, près de 60% du PIB mondial) a vu 80% des gouvernements sortants balayés par la lame de fond populiste. Malgré le glissement des programmes ‘centristes’ vers le protectionnisme, les partis de gouvernement ont été sanctionnés par des électeurs pour qui, après trois décennies de stagnation des salaires réels médians et montée des inégalités, le retour de l’inflation était le choc de trop.
Ces gouvernements populistes, élus sur des promesses budgétaires à caractère inflationniste, se retrouveront en 2025 au pied du « mur obligataire ». Une inflation tenace et les doutes sur les trajectoires budgétaires maintiendront un diptyque de taux réels élevés et devises sous pression.
Le retour de Trump augure un durcissement à brève échéance des politiques migratoires et commerciales des Etats-Unis. Parallèlement à ces chocs d’offre négatifs, l’anticipation de baisses d’impôt et d’une vague de dérégulations dopera la demande domestique. La combinaison des deux implique la poursuite d’une croissance réelle autour de 2.5%, avec autant d’inflation, assortie de taux d’emprunt élevés, surtout pour les classes moyennes. Un tel régime de croissance ‘non-inclusive’ ravivera les frustrations sociales qui ont porté Trump au pouvoir. Conscient des faiblesses de sa majorité à la Chambre (où sa majorité tient à 5 sièges), Trump se sentira obligé de tenir ses promesses de baisses d’impôt pour la classe moyenne et de réindustrialisation. Dans cet élan, il se confrontera à son tour à la résistance d’un marché obligataire saturé et à la force d’un dollar dopé par les performances du Nasdaq.
Comme Franklin D. Roosevelt, Nixon et Reagan avant lui, Trump sera alors tenté de desserrer la contrainte externe et budgétaire et recréer des marges de manœuvre en externalisant les coûts d'ajustement sur le reste du monde, via une baisse du dollar (Plaza II) ou en imposant une répression financière à ses alliés (placements d’obligations longues à taux réduit auprès de ses alliés de l’OTAN, comme proposé par son futur Secrétaire au Trésor). En dernier recours, Trump saborderait l'indépendance de la Fed.
En zone euro, le facteur clé sera la trajectoire politique et budgétaire de la France. Sans un sursaut politique permettant de corriger la dérive des comptes publics, la France pourrait sombrer dans une crise financière aux conséquences globales, vu le poids des obligations françaises dans les portefeuilles institutionnels mondiaux et la présence internationale des groupes bancaires français. Cette situation consigne 25 ans d'échec des mécanismes européens de surveillance budgétaire. Une union monétaire trans-nationale ne peut fonctionner sans discipline collective au niveau budgétaire. De surcroît, l’instabilité gouvernementale empêche, pour l’instant, l’activation des garde-fous mis en place après la faillite de la Grèce (ESM, OMT, TPI). La France ne peut plus jouer le passager clandestin de l'union monétaire. Si la France n'arrive pas à sortir de cette impasse budgétaire, ressurgiront les doutes sur la soutenabilité de la monnaie unique. Au contraire des Etats-Unis, qui sont endettés dans leur propre monnaie et ont la capacité de taxer leur protectorat militaire, la France a une dette dans une devise qu'elle ne peut imprimer, ni dévaluer.
Enfin, la Chine est déjà au bord d’une dynamique de déflation par la dette, c’est-à-dire en voie de « japonisation », mais elle se contente de faire une relance a minima, avec de surcroît un refus idéologique de stimuler le pouvoir d’achat des consommateurs. La stabilisation des prix immobiliers dans les grandes villes ne saurait relancer l'activité de construction au niveau national. La priorité pour Xi est de construire une économie exportatrice, à la frontière technologique, immunisée contre de potentielles sanctions occidentales. La surveillance numérique totale de la population permet de rehausser le seuil de frustration sociale. Sans franc stimulus de la consommation lors des Congrès de mars, il conviendra de rester prudent sur le potentiel de rebond de la croissance.
Stratégie d'Investissement – Kevin Thozet, membre du Comité d'Investissement
Les marchés mondiaux se sont empressés d’intégrer la poursuite du cycle outre-Atlantique après les élections, tandis que les actions européennes et émergentes restent bloquées dans le bas de leur fourchette de valorisation. Les marchés obligataires pourraient mettre un terme à l’exceptionnalisme américain et ainsi être le catalyseur d'une grande rotation régionale. Dans cet environnement, nous préférons :
Une stratégie actions diversifiées combinant valeurs de croissance et valeurs décotées
La surperformance des États-Unis devrait se poursuivre en ce début d'année (compte tenu de l'impact positif des politiques Trump II sur la confiance et les dépenses des ménages, ainsi que sur les entreprises ayant les taux d'imposition effectifs les plus élevés, les PME). Toutefois, les craintes relatives aux pressions inflationnistes et un différentiel de taux prononcé entre les maturités courtes et longues (une courbe des taux plus pentue) pourraient, à terme, amener les investisseurs à remettre en question les valorisations véritablement exceptionnelles des marchés d’actions américains. Et dans le reste du monde, il ne faut pas négliger le potentiel de relances des autorités chinoises, ni la capacité des autorités européennes à réagir en période de crise existentielle.
Ainsi, les investissements contrariants pourront prendre le relais des moteurs de performance actions à la faveur des mutations des décideurs politiques locaux contraints de réagir.
Aux États-Unis, le scénario central est celui d'un afflux d'investissements directs étrangers sous la menace de davantage de droits de douane. Mais nous ne pouvons pas exclure d'autres scénarios, tels qu'un second accord du Plaza, l'émission d'« obligations Bessent » imposées aux « pays clients » (selon les termes de l’administration Trump II), ou encore celui de l’exercice d’une forme de dominance budgétaire.
D’ici-là, le pessimisme largement partagé par le plus grand nombre à l'égard des actifs européens induit que certains actifs de qualité – moins exposés à l’incertitude économique et politique - peuvent être achetés à des prix très inférieurs à ceux de leurs homologues américains, offrant ainsi une source de diversification salutaire pour les investisseurs en actions.
Nous n’attendons pas à une explosion de la croissance des bénéfices en Europe compte tenu de ce qui s’y passe, ou plutôt ne s’y passe pas, mais plusieurs facteurs pourraient de fait jouer en faveur des actions européennes, qui décèlent de nombreux leaders mondiaux dont les niveaux de valorisation sont très raisonnables. Notamment dans les secteurs de l’aéronautique, du luxe ou de l’électrification, qui bénéficient de tendances structurelles de long terme et sont ainsi moins dépendants de la croissance économique. Ainsi pour des niveaux de marge, de croissance des ventes attendues, ou de revenus en dollars équivalents des entreprises européennes et américaines se négocient avec des écarts de valorisations pouvant atteindre les 40%. Et cette décote des actifs européens se retrouve également dans les secteurs de la consommation discrétionnaire, de la santé et des biens de consommation de base ; avec des sociétés européennes aux fondamentaux solides et des perspectives de rentabilité des capitaux propres élevés dont les valorisations sont à mille lieues des celles de leurs pairs américains.
Les bien-aimés de M. Trump
Dans le reste du monde, une sélection de pays idéologiquement proches de M. Trump et des pays engagés sur des politiques d’offre et d’ajustement budgétaire nous permet également d’investir sur des actifs – a tort – négligés et trop souvent laissés de côté. Des situations spéciales pour certains d’entre eux mais ont-ils ont déjà subi l'épreuve des marchés obligataires et des réformes importantes y sont mises en œuvre. L’équateur par exemple où la combinaison de réformes et le soutien des institutions internationales ont été bénéfiques. Ou encore des pays comme l’Argentine (où l’inflation est passée de trois à deux chiffres) ou la Turquie (où les rendements réels deviennent enfin positifs) pourraient bien être sur la voie d’une désinflation structurelle post-politiques populistes.
Nous considérons aussi des pays mieux couverts comme le Japon (où le renforcement de la devise et le cycle de hausse des taux entamé par sa banque centrale devraient être bien perçus par le futur président américain et par les investisseurs internationaux). Enfin, l’Inde qui sait entretenir et tisser des liens avec le Nord et le Sud Global bénéficie d’une croissance élevée à long terme et d’une récente détente des valorisations actions.
Portage favorable et gestion actives du risque de taux
Compte tenu de la flambée du poids de la dette et des déficits nationaux de par le monde, les contraintes budgétaires vont inciter les banques centrales (hors Etats-Unis) à assumer la majeure partie du soutien économique en 2025. Cela devrait être favorable aux actifs obligataires dont les rendements offrent un portage attractif une certaine visibilité sur le potentiel de performance ; mais aussi un coussin pour digérer le risque de mauvaises nouvelles.
Nous préférerons les obligations d'entreprises investment grade de maturités courtes, pour lesquelles un élargissement potentiel des spreads de crédit serait plus que compensé par la baisse des taux afférentes, et les obligations à haut rendement qui bénéficient d’un environnement technique favorable dans un contexte où les émissions nettes ont été négatives et devraient continuer de rencontrer la faveur des investisseurs au cours des prochains trimestres dans un environnement de recherche de rendements positifs alors que la banque centrale européenne abaissera ses taux de politique monétaire.
A l’inverse nous laissons de côté les obligations souveraines des marchés développés qui, en dépit des circonstances, offrent un rendement bien maigre.
Enfin, la forme de la courbe des taux (inversée ou plate) et la question persistante de la future trajectoire de l'inflation nous incitent à préférer les taux réels (c'est-à-dire les obligations indexées à l'inflation) aux taux nominaux.
Ceci est un document publicitaire. Cet article ne peut être reproduit en tout ou partie, sans autorisation préalable de la société de gestion. Il ne constitue ni une offre de souscription, ni un conseil en investissement. Les informations contenues dans cet article peuvent être partielles et sont susceptibles d’être modifiées sans préavis. Les performances passées ne préjugent pas des performances futures. La référence à certaines valeurs ou instruments financiers est donnée à titre d’illustration pour mettre en avant certaines valeurs présentes ou qui ont été présentes dans les portefeuilles des Fonds de la gamme Carmignac. Elle n’a pas pour objectif de promouvoir l’investissement en direct dans ces instruments, et ne constitue pas un conseil en investissement. La Société de Gestion n'est pas soumise à l'interdiction d'effectuer des transactions sur ces instruments avant la diffusion de la communication. Les portefeuilles des Fonds Carmignac sont susceptibles de modification à tout moment.